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Pourquoi les Nations Unies privilégient-elles les anciennes puissances coloniales sur notre continent ? », interroge l’ancien président Sud-africain Thabo Mbeki dans le présent article qu’il a à l’origine rédigé pour le Magazine Américain, Foreign Policy. Il affirme que le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies a pris l’étrange décision d’outrepasser son mandat en Côte d’Ivoire en se permettant de déclarer le vainqueur de l’élection présidentielle contrairement à sa mission telle que détaillée par le Conseil de Sécurité. Ce fait place l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) au rang de ‘’faction’’ partisane dans le conflit Ivoirien contrairement à la neutralité pacificatrice dont elle était censée faire preuve. Les africains eux-mêmes peuvent et doivent s’engager résolument dans la résolution des crises sur le sol africain.

L’erreur du monde en Côte d’Ivoire

Le second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 en Côte d’Ivoire a opposé deux opposants historiques, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Pour cette raison et pour l’importance stratégique de l’élection, cette bataille électorale allait inévitablement sceller le sort à long terme du pays.

Toutes les parties concernées auraient dû réfléchir profondément à cette inexorable question critique : les élections de 2010 créeraient-elles les conditions qui établiraient la base du meilleur avenir possible pour le peuple ivoirien ? Hélas ! Cela n’a pas été le cas. Bien au contraire, il y a une communauté internationale qui martelait que seule la tenue d’élections démocratiques en Côte d’Ivoire serait le gage de la résolution de la crise que le pays traversait quand bien même les conditions minimales requises en vue de la bonne tenue d’un tel exercice étaient inexistantes. Alors même qu’ils savaient cette proposition intrinsèquement illégitime, les Ivoiriens n’ont pas pu résister à cette pression internationale et ont organisé lesdites élections. Toutefois, la réalité objective était que les élections présidentielles telles que tenues en Côte d’Ivoire n’auraient jamais dû se tenir dans les conditions dans lesquelles elles se sont tenues. En réalité, elles portaient en elles les germes d’une exacerbation du conflit qu’elles étaient censées résoudre.

Pour mémoire, la Côte d’Ivoire a été déchirée en 2002 par une rébellion qui a coupé le pays en deux parties : une partie nord contrôlée par les forces rebelles regroupés au sein des Forces Nouvelles acquises à la cause de Alassane Ouattara et une partie sud aux mains du gouvernement dirigé par Laurent Gbagbo. Depuis lors, la Cote d’Ivoire s’est retrouvée avec deux gouvernements, deux administrations, deux armées, et deux leaders ‘’nationaux’’.
Toute élection tenue dans des circonstances similaires ne peut qu’envenimer inévitablement la division de la société et aiguiser les tensions sociales nées et exacerbées du fait de la rébellion de 2002.

Les causes structurelles de la rébellion de 2002 trouvent leur fondement dans des questions sensibles dont des tensions transnationales affectant particulièrement la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, des antagonismes ethniques et religieuses en Côte d’Ivoire, le partage du pouvoir politique ainsi que l’accès au pouvoir et aux opportunités économiques et sociales.

Les griefs

La communauté internationale n’a pas su, dans un tel contexte, apprécié à leur juste valeur des critiques portant sur plusieurs allégations explosives qui, à tort ou à raison, ont alimenté et continuent d’alimenter les opinions forgées par les populations en faveur de Gbagbo dans le sud de la Côte d’Ivoire ainsi que par une forte majorité de l’Afrique francophone. Il s’agit en l’occurrence d’assertions selon lesquelles Ouattara est un étranger né au Burkina Faso ; qu’il est avec le président Burkinabé Blaise Compaoré responsable de la rébellion de 2002 ; que son accession au pouvoir aboutirait à une prise d’assaut du pays particulièrement par les étrangers Burkinabé ; et que historiquement, à ce jour, il s’est toujours disposé à faire la part belle aux intérêts français en Côte d’Ivoire.

Ayant mis tous ces éléments dans la balance, l’Union Africaine (UA) a bien compris qu’un accord négocié entre les deux factions ivoiriennes belligérantes s’avérait nécessaire pour une solution durable à la crise ivoirienne sur la base des questions interdépendantes de démocratie, de paix, d’unité et de réconciliation nationale.

Ainsi, de négociations en négociations depuis 2002, les ivoiriens se sont résolus à assujettir la tenue de l’élection présidentielle aux conditions fixées. Au nombre desdites conditions figurent en toile de fond la question de la réunification du pays, le redéploiement de l’administration nationale sur toute l’étendue du territoire ivoirien ainsi que le désarmement des rebelles et de toutes les milices, suivi de leur intégration dans le creuset sécuritaire national dont le dernier processus devrait être achevé au moins deux mois avant la tenue de ladite élection présidentielle.

Malgré le fait que la moindre de ces conditions n’ait été réunie, les élections présidentielles se sont tenues. Finalement, Alassane Ouattara a été installé président de la Côte d’Ivoire. Gbagbo et son épouse Simone en sont sortis prisonniers humiliés.

Cette crise s’est surtout soldée par la mort de beaucoup d’ivoiriens ; les plus chanceux ont été déplacés, la plupart des infrastructures détruites et les animosités historiques exacerbées.

Ce qui a provoqué le désastre

Il faut attribuer à une telle fin à de nombreux non événements. Les accords relatifs à ce qui devrait se faire en vue de créer les conditions d’élections libres et justes ont été volontairement et dédaigneusement ignorées.

Le Conseil Constitutionnel Ivoirien (CC) est constitutionnellement le seul organe habilité à valider le résultat et donc à proclamer le vainqueur de toute élection et à installer le président, la Commission Electorale Indépendante (CEI) n’ayant pour mandat que de faire suivre les résultats provisoires au Conseil Constitutionnel.

Cependant, ceux-là mêmes qui insistent sur l’inviolabilité des lois en tant que fondamental à toute pratique démocratique ont été illégalement choisis pour certifier les résultats provisoires annoncés à titre personnel par le président de la CEI comme résultats authentiques et définitifs de l’élection présidentielle.

Comme le lui permettait la loi, Gbagbo a contesté la transparence des élections dans certains endroits en particulier dans le nord du pays. Le CC a, à tort ou à raison, admis la majorité des plaintes formulées par Gbagbo, identifié d’autres ‘’irrégularités’’, annulé le vote dans certaines régions et déclaré Gbagbo vainqueur.

Le président de la CEI n’a pas tenu compte des irrégularités relevées et a décidé de manière unilatérale que le véritable vainqueur était Ouattara.

L’envoyé du Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-moon, son compatriote Sud-coréen Young-jin Choi, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies (RSSGNU) a également annoncé publiquement la victoire de Ouattara, mais sur la base d’un nombre de voix moindre que celui annoncé par la CEI, après avoir jugé recevables certaines des plaintes formulées par Gbagbo.

Concernant les voix obtenues par les deux candidats, la CEI, le CC et le RSSGNU ont fait trois déterminations différentes.

Selon Gbagbo, en vue de la résolution de cette crise qui conditionne la légitimation de l’expression de la volonté des ivoiriens, il fallait mettre en place une commission internationale en vue de vérifier les résultats des élections avec cette condition sine qua non préalable que aussi bien lui que Ouattara accepterait les conclusions de ladite commission. Cette proposition a été rejetée par la communauté internationale en dépit du fait qu’elle aurait résolu ce litige électoral sans qu’il ait été nécessaire de recourir à la guerre et en dépit du fait que certains observateurs internationaux ont émis des doutes quant à la transparence des élections en particulier dans la partie nord de la Côte d’Ivoire.

A titre d’exemple, en se prononçant sur l’organisation des élections dans le nord du pays, la mission d’observation de l’UA conduite par l’ancien premier ministre togolais Joseph Kokou Kofigoh, la Société civile africaine pour la démocratie et l’assistance sociale conduite par la sénégalaise Seynabou Indieguene et la Coordination des Experts Africains en Election (CAEE) du Cameroun, du Sénégal, du Bénin, du Mali, du Maroc, du Gabon et du Togo conduite par le Camerounais Jean Marie Ongjibangte ont tous tiré la sonnette d’alarme au sujet des élections telles qu’elles se sont tenues dans le nord de la Côte d’Ivoire. La CAEE s’est par exemple exprimée en ces termes : ‘’Après avoir échangé des informations avec d’autres observateurs nationaux et internationaux, nous affirmons par la présente que le second tour des élections présidentielles en Côte d’Ivoire a été émaillé de problèmes graves dans certaines régions, en particulier celles du nord…

‘’Ces problèmes sont relatifs à des vols d’urnes, à l’arrestation des représentants des candidats, à des votes multiples, au refus d’accepter la supervision du décompte des voix par les observateurs internationaux et à l’assassinat des représentants des candidats. Eu égard à tous ces faits, nous déclarons par la présente que le second tour des élections n’a été ni libre, ni juste encore moins transparente dans ces localités du nord.’’
Le rapport de la Cedeao non rendu !

La mission d’observation de l’élection pour le compte de la Cedeao n’a pas, pour sa part, à ce jour, publié son rapport sur le second tour des élections présidentielles en Côte d’Ivoire ! Pourquoi ? La commission internationale indépendante proposée par Laurent Gbagbo aurait dû être mise en place et habilitée à l’effet de prendre une mesure définitive et contraignante sur ce qui s’était passé. Le temps nous dira pourquoi cela n’a pas été fait !

Qui plus est, le RSSGNU a pris la résolution pour le moins étrange d’outrepasser son mandat en déclarant le vainqueur de l’élection, à contrario de ses attributions telles que fixées par le Conseil de Sécurité. Ce fait, au risque de nous répéter, place l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) au rang de ‘’faction’’ partisane dans le conflit Ivoirien contrairement à la neutralité pacificatrice dont elle était censée faire preuve à équidistance des parties en situation de belligérance. Dès lors, l’ONUCI n’avait plus d’autre choix que d’œuvrer activement à l’installation de Ouattara comme président du pays et partant, au départ de Gbagbo.

C’est cela qui, en dernier ressort, justifie l’usage éhonté par l’ONUCI de son potentiel militaire pour ouvrir la voie aux Forces Nouvelles qui ont ainsi vaincu les forces de Gbagbo et ont réussi à le capturer sous l’impudique prétexte qu’elles agissaient dans le sens de la protection des civils.
Alors même qu’elle avait obligation de faire prévaloir son mandat de pacificateur qui consistait en un maintien à égales distances des forces belligérantes, l’ONUCI n’a engagé aucune action pour stopper l’avancée des Forces Nouvelles depuis le nord du pays jusqu’au sud à Abidjan.

Ni l’ONUCI encore moins la Force française Licorne, conformément au mandat à elles fixées par les Nations Unies, n’ont aucunement protégé les populations civiles dans la région de Duékoué, où, à l’évidence, le plus grand massacre de civils a eu lieu !
Cela n’est pas sans rappeler l’échec des Nations Unies à mettre fin aux meurtres et abus les plus catastrophiques qui ont été perpétrés dans l’est de la République Démocratique du Congo.

Des conclusions indiscutables

La réalité ivoirienne soulève un certain nombre de conclusions indiscutables. Les conditions convenues en vue de la tenue d’élections démocratiques en Côte d’Ivoire n’ont en aucune mesure été mises en place.

La communauté internationale a refusé de procéder à la vérification du processus électoral et a proclamé les résultats, ce, en dépit des fortes allégations de fraude électorale. Une telle attitude laisse sans réponse la question cruciale du véritable vainqueur des élections, ce que Ouattara aurait dû faire.
Usant de sa place de choix au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, la France a réussi à s’assigner un important rôle dans la détermination de l’avenir de la Côte d’Ivoire, son ancienne colonie au sein de laquelle elle détient, entre autres, de prestigieux intérêts économiques. Elle s’est jointe aux Nations Unies en vue de s’assurer que Ouattara sorte victorieux du conflit Ivoirien. Cela ne fait que justifier les intérêts nationalistes de la France en rapport avec sa politique de Françafrique dont l’objectif est de perpétuer une relation particulière avec ses colonies africaines. L’ancien président français François Mitterrand ne disait pas autre chose, lui qui affirmait : « La France n’aura pas d’histoire au 21e siècle sans l’Afrique », toute chose qu’a confirmé l’ancien ministre français Jacques Godfrain lorsqu’il affirmait « Un petit pays (la France) avec juste un peu de force, nous pouvons faire bouger toute une planète grâce à nos relations avec 15 ou 20 pays africains…’’

L’UA n’est pas non plus sans reproche dans la mesure où elle a failli dans son objectif de persuasion de tous les acteurs à œuvrer en faveur de la réconciliation et partant, d’une paix durable entre ivoiriens.

Aussi tragique qu’ils ont été, les événements survenus en Côte d’Ivoire creusent davantage le fossé béant du conflit endémique qui sévit dans le pays. Cela se doit au fait que le pays a fait confiance à la rébellion manquée de 2002 en lui confiant le pouvoir de décider du futur du pays alors que la situation objective imposait et impose que le peuple ivoirien, dans toutes ses composantes, s’engage dans la détermination de leur destin commun.
Gbagbo, au cours de la décennie durant laquelle il a dirigé la Côte d’Ivoire en tant que président, n’avait eu aucune possibilité d’agir comme de raison pour réunifier le pays et le réconcilier à travers toutes ses composantes en dépit de l’existence d’accords négociés dans ce sens. En dirigeant lui aussi la Côte d’Ivoire en tant que président, Ouattara ne pourra point atteindre ces objectifs, comme de raison, en dehors du cadre d’un accord honnête, sérieux, conclu avec les sections de la population ivoirienne représentée par Gbagbo.
Ce qui devait arriver a été prédit par l’ambassadeur des Etats Unis en Côte d’Ivoire d’alors, Wanda L. Nesbit qui en juillet 2009 conseillait le gouvernement américain en ces termes :
«Il ressort à présent que l’accord de Ouaga IV, (le quatrième accord appelé Accord Politique de Ouagadougou qui prescrivait que le désarmement doit précéder les élections) est fondamentalement un accord entre Blaise Compaoré (Président du Burkina Faso) et Laurent Gbagbo en vue de partager le contrôle du nord jusqu’au lendemain de l’élection présidentielle en dépit du fait que le texte en appelle aux Forces Nouvelles de restituer le contrôle du nord du pays au gouvernement et d’achever le désarmement deux mois avant la tenue des élections…

« Mais en attendant la création d’une nouvelle armée nationale, les 5 000 soldats des Forces Nouvelles qui doivent être ‘’désarmés’’ et regroupés dans des casernes dans quatre villes clés du nord et de l’ouest du pays représentent une sérieuse force militaire que les Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN) ont l’intention de maintenir bien formée et en réserve jusqu’au lendemain de l’élection. La cession du pouvoir administratif des FAFN aux autorités du gouvernement civil est une condition sine qua non pour les élections, mais comme le confirment des voyageurs dans le nord (y compris le personnel de l’ambassade), les FAFN maintiennent un contrôle absolu de la région en particulier en ce qui concerne les finances.»

Les victimes

Le fait que les ‘’conditions préalables à l’organisation des élections’’ n’aient pas pu être mises en place augurait de sa finalité. Le ‘’contrôle’’ du nord par les forces rebelles dont a fait mention l’ambassadeur Nesbitt préfigurait l’issue des élections présidentielles de 2010.
Similairement, il a été fait usage de la ‘’puissance militaire’’ de la rébellion, que l’ambassadeur Nesbitt a mentionnée, pour asseoir la victoire de Ouattara en tant que président de la Côte d’Ivoire. C’est donc à juste titre qu’au plus fort de la crise postélectorale, Laurent Gbagbo s’est écrié : «On m’a trahi!» En fin de compte, cette crise a fait un grand nombre de victimes. Il y a en premier chef l’Union Africaine. Les événements tragiques survenus en Côte d’Ivoire ont confirmé la marginalisation de cette Union quant à son aptitude à venir à bout des plus grands défis auxquels l’Afrique se trouve aujourd’hui confrontée. Bien au contraire, l’UA a ainsi plutôt légitimé l’intervention et l’aptitude de ces grandes puissances à relever lesdits défis en faisant usage de leurs différentes forces militaires pour légitimer leurs actions de persuasion des Nations Unies à autoriser leurs propres interventions égoïstes en Afrique.
L’Organisation des Nations Unies est également une autre victime. Elle a irrémédiablement sapé son autorité en tant que force neutre dans la résolution des conflits internes tels que celui qui vient de se dérouler en Côte d’Ivoire. Il est à présent difficile pour l’ONU de convaincre l’Afrique et le reste du monde en développement qu’elle n’est pas un simple instrument à la solde des grandes puissances du monde. Cela a confirmé l’urgence de la nécessité d’une restructuration de cette organisation sur la base du point de vue selon lequel dans sa structuration actuelle, l’ONU n’a aucun pouvoir pour agir en tant que véritable représentant démocratique de ses états membres.

Ainsi, les événements survenus en Côte d’Ivoire pourraient, de plusieurs manières, servir de base pour ce qui est de l’urgente nécessité de redéfinition du système des relations internationales.

Par leurs agissements, les grandes puissances ont mis à nue la triste réalité de l’équilibre et de l’abus de pouvoir en période post-Guerre froide et ont fait leur la thèse fictive selon laquelle elles respectent l’autorité de la loi dans la conduite des relations internationales, même telles que définies par la charte des Nations Unies, et que, en tant que démocrates, elles respectent les points de vue des peuples du monde.

Il faut seulement espérer que Laurent Gbagbo et le peuple ivoirien ne continuent pas de payer le lourd tribut d’abusés et de victimes d’un système global qui, dans la quête de ses intérêts, tout en criant haut et fort les droits universels de l’homme, ne cherche en réalité qu’à perpétuer la domination de la masse par un groupuscule qui a à disposition la prépondérance du pouvoir politique, économique, militaire ainsi que le pouvoir des média.

Les événements pervers et venimeux qui ont affligé la Côte d’Ivoire posent là cette question pressante: Combien de cas flagrants d’abus de pouvoir l’Afrique et les autres pays en développement du monde devront-ils encore subir avant l’avènement d’un véritable système démocratique de gouvernance globale ?

In Magazine NewAfrican

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Il n'y a pas si longtemps, l'annonce d'un concert de Kofi OLOMIDE ou de tout autre star de la chanson Africaine et nous voilà nous ruant les pour acheter les billets et faire salle comble.

Hier, la France fêtait la Nuit Africaine au Stade de France. Plus des 3/4 du stade étaient vides. Que s'est-il donc passé pour ce peuple africain français, - ce peuple noir dont la légende prétend qu'il aime tant danser, secouer de l'arrière train, cet amuseur public numéro un, celui-là même qui, lorsqu'il ne distraie pas en tapant dans un ballon ou en sprintant avec vigueur, rit, rit et danse pour le plus grand bonheur du reste de l'univers, - n'aie pas répondu à ce magnifique rendez-vous du bonheur savamment concocté pour lui par des organisateurs scrupuleux ?

Oui, c'était une première ! Pourtant, tous les ingrédients étaient réunis pour que la fête réussisse ! Que Rire et sueur s'entrelacent jusqu'à tard dans la nuit. Qu'à l'aube le bonheur se fige sur la face nègre. Que deux jours plus tard, le légendaire sourire banania soit toujours là à crisper les coins des lèvres, cette bouche noire si prompte à sourire malgré les milles malheurs quotidiennement vécus. Oui, les ingrédients étaient réunis à coups de publicité dans les grands médias français, des affiches géants aux couleurs de la joie, des voix à la radio vantant la qualité de ses magnifiques chanteurs. Oh, que oui ! Grâce à la nuit Africaine on aurait tout oublié ! Les bombardements sur la Côte d'Ivoire ? C'est pas si grave que çà, mon frère. La vie continue, n'est-ce pas ? Le bombardement sur la Libye et ses milliers, milliers des morts... Oh, que veux-tu que j'y fasse ? C'est la vie ! La vie continue, n'est-ce pas ?

Voilà que pour la première fois, les organisations africaines françaises ont décidé de réagir. Elles en avaient marre de ces stars qui ne compatissent jamais aux douleurs des peuples ! Marre de ces artistes tout en ego et en paillettes qui jamais ne disent un mot plus haut que l'autre pour ne point froisser la susceptibilité du sponsor. Ces artistes toujours d'accord sur tout. Oui Monsieur. Merci Monsieur. Merci bwana de me permettre de chanter. Vous tuez ? Tuez donc, je ne suis qu'un artiste, moi ! Vous exploitez ? Exploitez donc, je ne suis qu'un artiste moi ! Ces artistes qui comme des canards ne se mouillent jamais même lorsqu'ils marchent sous une pluie torrentielle !
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Alors, alors, les organisations africaines françaises ont lancé un mouvement de boycott de cette nuit Africaine, car ont elles estimé l'Afrique est en deuil, donc son peuple ne saurait chanter ou danser.

Et elles ont eu raison, eh oui, raison ! Car le mouvement tout en sourdine a porté ses fruits au-delà de toute espérance. Hier soir, l'immense stade de France prévu initialement pour accueillir entre 70 et 80 000 personnes était vide, oui vide à en pleurer. L'evenement lancé à grande pompe n'a réussi à réunir qu'entre 5 et 10 000 personnes tout au plus. Une première expérience, un avertissement pour dire à ceux qui nous manipulent que les donnes ont changé, que l'homme noir devient chaque jour plus conscient des enjeux. Une première pour dire aux artistes Africains, que le faite d'être artiste ne les dispense pas des combats de survie des peuples, qu'ils doivent certes chanter, mais aussi s'engager de manière claire auprès des populations pour qu'enfin advienne un monde meilleur, un monde où chaque nation est respectée, où chaque individu noir ou blanc trouve sa place... En deux mots comme en mille, un monde où il fait bon vivre vivre ensemble.

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La colonisation de la Côte d'Ivoire par la France

L’appellation « Pays des droits de l’homme » dont on labélise la France en raison des philosophes du siècle des Lumières et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 n’a jamais été, hélas, qu’un simple vœu pieu. La révolution française est bien loin ! Car si l’on observe le comportement de la France en Afrique – francophone s’entend – depuis ces deux derniers siècles, il y a de quoi être épouvanté ! Tant le pays des « Droits de l’homme » est le pays occidental le plus mafieux. Un pays dont les crimes de ses dirigeants sont perpétrés au fil du temps sans qu’aucun œil n’ose ciller et dans la plus grande impunité.

De la traite négrière jusqu’à la coopération, en passant par l’esclavage régi par le Code noir de Louis XIV, la colonisation marquée par le Code de l’indigénat et le travail forcé, la France est restée égale à elle-même. Pire, il se dégage une scandaleuse constante.

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NON A LA RENAISSANCE DES TIRAILLEURS EN AFRIQUE, NON AU RETOUR DES REGISSEURS NEGRES « OUI, MISSIE » EN COTE D’IVOIRE

Par Bwemba - Bong Membre du CERCLE SAMORY (CESAM) (France) Cercle de Réflexion sur la Culture Africaine pour la Renaissance du Peuple Noir

Aussitôt qu’en Côte d’Ivoire, la pieuvre Françafrique a été prise la main dans le sac dans une de ses activités favorites, la fraude électorale en Afrique Noire, pour imposer au pouvoir une de ses potiches, Alassane Ouattara, Paris a rameuté ses troupes de frappe, ponctuellement saisies d’une épidémie d’Amour pour le sort des Africains. Tantôt en docteurs en doctorats, dégoulinant de passion pour la Démocratie en Afrique Noire, bien que jusque-là idéologiquement atones sur la dictature françafricaine qui terrorise l’Afrique Noire depuis cinquante ans. Tantôt en journalistes français dont certains, émargeant dans des journaux qui ne dédaignent pas d’encaisser des chèques de dictateurs africains, ceux du dictateur camerounais Paul Biya, par exemple, qui n’hésite pas à tirer sur des enfants de quatre ans, afin de terroriser les populations camerounaises, sont subitement saisis d’une poussée de fièvre pour la Démocratie chez les Nègres, parias historiques de la France, sans qu’auparavant, on les ait jamais entendu balbutier la moindre remarque désobligeante sur les régimes liberticides françafricains. Autre congrégation mise en vitrine par la Télévision Française notamment, les agrégés en agrégations d’Histoire, spécialistes de l’Histoire de l’Afrique, qui ignorent que pendant seize ans, de 1955 à 1971, par débit tendu et meurtrier, la France massacra des centaines de milliers de Camerounais, afin d’empêcher ce territoire africain d’accéder à son indépendance : but largement atteint aujourd’hui, puisque, sur ces massacres, François Fillon, premier ministre Français, délivra en 2009 au Cameroun, sa Grande Vérité toute française : « je dénie absolument que les forces françaises aient participé, en quoi que ce soit, à des massacres au Cameroun. Tout cela, c’est de la pure invention », vociféra-t-il, en bon révisionniste autorisé et triomphant (voir l’Atlas Histoire du Monde Diplomatique, Hors série, HISTOIRE, critique du XXème siècle). Add a comment

« Pour les intérêts de notre pays, il ne faut pas avoir peur de mettre la main dans celle du diable » Jacques Foccart.

 De tous les anciens pays négriers, la France est le seul qui, six siècles plus tard, après la prétendue Abolition de la Traite négrière, s’accroche toujours et continue, par diverses violences, à vampiriser avec arrogance l’Afrique Noire qu’elle tient pour sa propriété, hommes et biens compris. Aussi, chaque fois que celle-ci tente de sortir la tête de l’eau, la nation de Gobineau et Colbert est-elle toujours présente, pour l’y replonger.

Dans son préambule, la Constitution française de 1958 fait mention des Droits de l’Homme définis par la Déclaration de 1789, complétée par le Préambule de la Constitution de 1946, et du principe de la Libre Détermination des Peuples.

 C’est sur l’application de cette profession de foi que se fonde l’Article 1er du texte, qui dispose : « La République et les peuples des territoires d’outre-mer qui, par un acte de libre détermination, adoptent la présente Constitution instituent une communauté. La communauté est basée sur l’égalité et la solidarité des peuples qui la composent ».

 

Ainsi donc, la Communauté franco-africaine, nouvelle structure mise sur pied par la France pour ne pas lâcher son empire et ses colonies d’Afrique Noire, donnait à penser qu’elle reposait sur deux principes fondamentaux : la participation et l’autonomie.

 L’Article 76 de cette Constitution dispose : « Les territoires d’outre-mer peuvent garder leur statut au sein de la République s’ils en manifestent la volonté par délibération de leur Assemblée territoriale prise dans le délai prévu au premier alinéa de l’article 91 (dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la Constitution), ils deviennent soit départements d’outre-mer de la République, soit groupés ou non entre eux, Etats membres de la communauté ».

 Quatre solutions se présentaient donc :

 

1°)- Rejeter la Constitution (ce que fit la Guinée, sous l’impulsion de Sékou Touré). Ce vote négatif impliquant que, par ce rejet, la colonie sortait de l’Union Française, qu’elle n’entrait pas dans la Communauté, qu’elle devenait indépendante ;

 

2°)- Opter pour le régime de département d’Outre-mer ;

 3°)- Les territoires d’Outre-mer pouvaient garder leur statut au sein de la République ;

 4°)- Les territoires d’Outre-mer pouvaient devenir des Etats membres de la Communauté.

 Quant à l’autonomie, c’est le Titre XII de la Constitution, intitulé De la Communauté, qui en précisait la situation juridique, par des textes qui la définissaient à travers ce qu’ils dénommaient « l’Autonomie des Etats de la Communauté ».

 

S’inspirant de la doctrine de la IVe République, la Ve République reprenait ce système d’autonomie qui n’avait qu’un semblant de souveraineté interne.


A cet égard, l’Article 77 stipulait à propos de ces Etats fictifs : « ...s’administrent eux-mêmes et gèrent démocratiquement et librement leurs propres affaires ».

 Mais l’Article 78 définissait la compétence de la Communauté : la politique étrangère, la défense, la monnaie, ainsi que la politique économique et financière revenaient à la France seule. En définitive, la Communauté se substituait tout simplement à l’Union Française.

 Structurellement, la Communauté se composait de quatre organes

 — le Président de la République (Français)[2],

 — le Conseil Exécutif,

 — le Sénat de la Communauté,

 — la Cour arbitrale.

 Au plan de la participation, il était institué des organes propres de la Communauté, désignés indirectement par les populations des Etats membres et exerçant des compétences communes ; il s’agissait, en l’occurrence, du Président de la République française, du Conseil exécutif qui était composé notamment des chefs de gouvernement des membres de la Communauté et des ministres chargés par la Communauté des affaires communes, du Sénat de la Communauté, composé des parlementaires français et d’élus africains membres des Assemblées Territoriales ; enfin, d’une Cour Arbitrale.

 

Ces organes étaient investis des compétences attribuées à la Communauté : la politique étrangère, la défense, la politique des matières premières stratégiques, la politique économique et monétaire, l’enseignement supérieur, le contrôle de la justice, etc.

 

 La Communauté autorisait formellement chaque Etat, y compris ceux d’Afrique Noire, à disposer d’organes propres : un gouvernement dirigé par un Premier ministre, une Assemblée territoriale et des tribunaux. Toujours aussi formellement, ces organes étaient investis des compétences de maintien de l’ordre, de vote du budget, de levée des impôts, de règlement des litiges, etc.

 Dans la réalité, le droit de séparation proclamé par la France, était, comme la plupart de ses principes, une déclaration qui n’avait pas à avoir d’effet dans la pratique. La Guinée, qui sous la direction de Sékou Touré opta pour la séparation, en fit la triste expérience. C’est ce que révèle un responsable des services secrets français, alors chargés de mener la guerre totale et sans répit à la Guinée nouvellement indépendante : « Dans les semaines suivant le « non », Sékou Touré pouvait encore être récupéré. Albert nous bombarde de rapports pour nous signaler que le leader guinéen guette le moindre signe de dégel. Mais De Gaulle a décidé de se montrer intraitable et confie à ses intimes :

 Sékou Touré, je le veux à plat ventre....

 A ce jeu-là, Sékou Touré s’endette chaque jour un peu plus, car cette aide étrangère est payante, les missions économiques de l’Est ne lui font pas de cadeau. Où trouver l’argent ? Il n’a même plus de quoi payer ses fonctionnaires. De Gaulle lui a coupé les vivres [...]

 Cet argent, disent les responsables français, restera bloqué à la Caisse des Dépôts et Consignations jusqu’au moment où nous serons autorisés à verser les pensions directement aux ayants droit [...]

 Mais voici un miracle : Sékou Touré se souvient brusquement qu’il possède, dans les caisses de la Banque Centrale de Guinée, la très coquette somme de quatre milliards de francs C.F.A., abandonnés par les Français. Pourquoi n’y a-t-il pas pensé plus tôt pour éponger ses dettes ? Il commence donc à prélever sur le magot [...]

 

Alarmé, notre agent à Conakry nous prévient que Sékou Touré est en train de puiser dans des ressources insoupçonnées, au détriment de notre propre balance C.F.A., car il s’agit de monnaie émise par la Banque de France. Il nous propose d’y mettre le holà. Comment ? [...]

 

Vous m’envoyez deux ou trois grenades au phosphore. Moi, j’ai déjà repéré les cheminées d’aération de la Banque Centrale qui descendent jusque dans la salle des coffres. J’irai dire bonjour à mon copain le ministre et, ni vu ni connu, je balance les grenades. C’est un coup à gagner quatre milliards [...]

 Quant au reste, soit près de trois milliards de francs C.F.A. en billets neufs, ils ne sont pas encore en circulation. Le directeur de la Banque de France devait, pour les rendre valables, signer le traditionnel décret d’émission. Mais on a attendu le résultat du référendum. A la suite du « non » de la Guinée, De Gaulle a donné des ordres formels pour que le décret ne soit pas pris : cette masse de billets demeure sans valeur [...]

 Sékou entre dans une rage folle. Il se sent abominablement piégé. L’indépendance est une belle chose, mais comment se débrouiller quand on n’a plus un sou vaillant, plus un compte bancaire, quand l’argent que l’on croyait détenir est frappé d’un mal mystérieux et se désintègre entre vos doigts ? [...]

 Pourtant, c’est le même franc CFA que celui qui circule au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Mali, etc. A un détail près toutefois, qui change tout. Dans sa grande méfiance, la Banque de France a pris depuis longtemps ses précautions : la monnaie imprimée en métropole et émise pour chaque territoire africain porte une lettre spécifique permettant de l’identifier. Ainsi, tout ce qui vient maintenant de Guinée est automatiquement détecté et rejeté [...]

 Nous avons appris que la Guinée voulait de toute façon quitter la zone franc, créer sa propre monnaie [...]

 Nous allons nous procurer des billets de la nouvelle monnaie guinéenne. Dans l’imprimerie ultrasecrète de la Piscine [3], dirigée par un officier Pied-Noir, nous sommes en mesure de reproduire ces bank-notes le plus parfaitement du monde et nous en inonderons le marché guinéen [...]

 C’est de bonne guerre. Sékou Touré s’est moqué de nous, et a voulu tricher lui-même avec nos propres francs CFA [...]

 Sékou Touré se retrouve avec une monnaie inexploitable, ruiné, aux abois. Il est à plat ventre comme le souhaitait le Général. Mais pas devant la France. Il se tourne définitivement vers les régimes socialistes ... »[4].

 Mais, malgré la volonté de la France de doter la Communauté d’une armature colonialiste plus renforcée, celle-ci n’aura qu’une courte existence de deux ans, Paris ayant changé de stratégie : face à la revendication de l’indépendance posée par le Cameroun, et soucieuse d’éviter l’embourbement de type algérien en Afrique Noire, le France choisit la ruse articulée autour d’une donne nouvelle : octroyer de façon déclarative l’indépendance aux colonies, tout en gardant la haute main sur tout l’empire : le néocolonialisme.

 Ainsi donc, la réalité de la politique de la France en Afrique Noire était appliquée en Guinée, par le Général de Gaulle qui, de ce fait, était d’autant plus à l’aise pour répondre à ceux qui lui faisaient grief d’avoir bradé ce qui restait à la France de son empire colonial : « Des territoires qui ne cessaient pas, depuis dix ans, d’aspirer à l’indépendance, la réclament aujourd’hui avec insistance. Faut-il laisser ce mouvement se développer contre nous, ou, au contraire, tenter de le comprendre, de l’assimiler, de le canaliser ? ».

 L’expérience de l’Indochine et celle de l’Afrique du nord ont servi à devancer les événements en Afrique Noire. Elles ont permis d’octroyer l’indépendance qui allait être arrachée :

 « J’ai desserré les liens avant qu’ils ne se rompent »[5].

 Effectivement, le général de Gaulle avait desserré les liens avant qu’ils ne se rompent. Il avait réussi par la terreur sur la Guinée, et l’assassinat des vrais combattants africains de l’Indépendance, à placer à la tête de la quasi-totalité des « Etats » d’Afrique Noire à l’heure des fausses indépendances, des personnages dont la particularité était d’être marqués du sceau de la souplesse d’échine, et de s’être, de ce fait, farouchement opposés à l’indépendance de l’Afrique Subsaharienne, mais qui, pour les besoins du néocolonialisme, étaient travestis en « grands timoniers », « héros nationaux », « pères de la Nation ».

 Dans un article d’une brûlante actualité aujourd’hui encore, sur les relations invariablement colonialistes que la France a toujours entretenues avec l’Afrique Noire, Cheikh Anta Diop notait déjà en 1953, avec une clairvoyance et une lucidité prémonitoires : « De toutes les puissances européennes qui dominent l’Afrique, la France est l’une des plus colonialistes – sinon la plus colonialiste. Les méthodes qu’elle applique (politique d’assimilation, etc.) sont telles que malgré l’exploitation la plus féroce, on n’a pas vu surgir, jusqu’ici, dans ses colonies d’Afrique Noire (les territoires sous mandat mis à part) une franche aspiration à l’indépendance nationale. Le colonialisme français a même réussi un tour de force exceptionnel en créant des consciences politiques, de tout âge, vieilles, d’âge mur, jeunes, attelées à la défense de l’Union française.

 Car, l’Union française, quelque soit l’angle sous lequel on l’envisage, apparaît comme défavorable aux intérêts des Africains, en ce sens qu’elle impliquera, toujours, une exploitation unilatérale de l’Afrique par la métropole et un étouffement des aspirations légitimes d’indépendance nationale des peuples colonisés, sans la réalisation desquelles il n’y a pas de démocratie possible »[6].

 En effet, par la ruse, la fraude et une violence endémique, les institutions administratives et politiques, créées par la France dans le cadre de sa mainmise sur l’Afrique Noire, fonctionnèrent et continuent de fonctionner à la pleine satisfaction de leur initiatrice.

 D’un atavisme négrier sans égal, la France qui sait avoir définitivement perdu les colonies cochinchinoises et arabes (Tunisie, Maroc et Algérie) de son ancien empire, a choisi le raccourci de miser sur la « servilité » des « Nègres » qui, pense-t-elle, restent encore à portée de son hégémonie[7]. Aussi, fonde-t-elle sa politique extérieure sur une stratégie dont l’objectif central est d’empêcher les anciennes colonies d’Afrique Noire, de vivre de façon libre et indépendante. Pour ce faire, elle repose sa politique africaine sur une logistique dans laquelle elle s’inscrit comme le pays emblématique représentatif du triomphe de l’Occident sur le monde noir. Son système fonctionne ainsi sur la base :

1°)- Du maintien de l’Afrique Subsaharienne (que Jacques Chirac s’est donné pour mission d’élargir de plus en plus aux anciennes colonies africaines dites anglophones, lusophones et hispanophones) dans une colonisation de type nouveau, par laquelle la France les utilise dans la plupart des problèmes internationaux pour ses besoins de puissance politique, économique, militaire et culturelle. En somme, le colonialisme français ancien a muté en néocolonialisme néonégrier triomphant : la coopération franco-africaine dont l’unique dominante et seule bénéficiaire est la France ;

 2°)- D’une prétendue « coopération » qui sert de justificatif au pillage économique de l’Afrique Noire, aux interventions militaires françaises, et à l’aliénation culturelle des populations africaines, au nom d’une prétendue communauté de langue: le Français ;

 3°)- De l’ancrage de l’Afrique Subsaharienne dans une intégration esclavagiste de plus en plus subtile, mais toujours plus renforcée et rigide ;

 4°)- De la poursuite par la France de ses objectifs de domination, tout en les renforçant dans le cadre d’une projection stratégique ;

 Cette nouvelle forme de maintien de l’Afrique Noire dite francophone en esclavage par la France se révèle être un système dans lequel le suzerain français et ses esclaves mages forment un Tout. Il se veut immuable, et n’accepte de remise en cause ni de sa structure, ni de son fonctionnement. Aussi, suffit-il seulement qu’un territoire africain se donne lui-même librement ses représentants, pour qu’un tel acte d’indépendance soit ressenti comme une agression et appelle la riposte immédiate : le coup d’Etat téléguidé de Paris et l’élimination du régime « intrus ».

 C’est ce qui permet de comprendre les diverses opérations franco-africaines de harcèlements initiées par l’appareil politique français, à travers ses services secrets dont la mission est de renverser tout régime africain jugé indésirable par la France. Comme cela fut entrepris, avec plus ou moins de bonheur via le Sénégal et la Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny, contre le régime de Sékou Touré en Guinée, jugé coupable d’avoir dit non en 1958 à la Communauté franco-africaine.

 Le président Sylvanius Olympio ne pouvait pas plaire à la France : il était élu par le peuple togolais et il entendait s’atteler à la reconstruction du Togo, pour en faire un Etat au sens international du concept. Or, cela la France ne pouvait le tolérer. En riposte, elle actionna aussitôt le tirailleur Gnassingbe Eyadéma, fraîchement débarqué de la guerre d’Algérie. Sur ordre de Paris, l’exécutant de la France abattit le président Sylvanius Olympio le 13 janvier 1963, et devint ainsi le précurseur de la tradition politique désormais bien établie de l’accession au pouvoir en Afrique Noire grâce au coup de force militaire pro-occidental, français généralement : « Parce que joue en permanence, chez l’ancien sous-officier de l’armée française, une profonde francophilie, un patriotisme français, pourrait-on dire » exulta Jacques Foccart[8] au sujet de la mise à mort du président Olympio.

 Tout fier d’avoir servi son maître, le zombie Eyadéma raconte le film de cet assassinat : « A l’aube nous sommes allés vers le parking de l’ambassadeur américain. L’homme, tout sali, était blotti sous le volant d’une Plymouth de l’ambassade, garée là. On lui a dit : Nous t’avons repéré, sors de là « Olympio a répliqué : D’accord, j’arrive. Où m’emmenez-vous ? Au camp militaire, avons-nous répondu. Il est descendu de la voiture et a marché vers le portail de l’ambassade. Là, il s’est arrêté (réalisant sans doute que, s’il continuait, il perdrait toute protection diplomatique), et nous a dit qu’il ne voulait pas aller plus loin. Je décidai : c’est un homme important, et il pourrait y avoir des manifestations de foule s’il restait ici. Aussi, je l’ai descendu »[9].

 La même guerre de l’ombre fut menée sans relâche, via le Cameroun, au régime du marxiste-léniniste de Marien N’Gouabi, au Congo. De même qu’il en fut de celui du Bénin de Mathieu Kerekou en 1977, alors également d’obédience marxiste-léniniste, qui essuya de la part du mercenaire français, Bob Denard, via le Gabon, une tentative de renversement. C’est le même traitement qui a été réservé avec succès, en 1997, via la société Elf-Aquitaine, au régime de Pascal Lissouba, démocratiquement élu par le peuple congolais, doublement coupable pour la France d’avoir été élu par son peuple, et d’avoir réclamé un droit de regard sur les ressources pétrolières congolaises, considérées par la France comme une propriété française.

 Chassé du pouvoir par la France, Pascal Lissouba fut remplacé par Sassou Nguesso, un second couteau de la mafia françafricaine en Afrique Centrale : « Le mécanisme de versement de la redevance pétrolière est difficile à décrire. Les redevances sont dues à des filiales d’Elf-Aquitaine, Elf-Congo et Elf-Gabon [...].  Mais le fonctionnement d’une autre société, Elf Trading, qui effectue des transactions, reste obscur. Les fluctuations du dollar jouent sur le montant de la redevance [...].  Qui gère le différentiel provoqué par ces fluctuations portant sur des sommes considérables ? Qui peut contrôler cela ? [...]. Le Congo recevait des redevances d’exploitation dont il était difficile de suivre le cheminement. Les sommes provenant des marges de fluctuation pouvaient être élevées et suffisaient à financer un mouvement de déstabilisation. Il pouvait donc s’agir d’une sorte de pacte de corruption soutenant un complot »[10], expliquera-t-il après sa chute.

 François-Xavier Verschave écrit au sujet de ce putsch : « ...Dès mai 1999, l’association congolaise CDLC de Reims annonçait l’arrivée d’un contingent de « mercenaires » français - dont nombre de militaires « en congé sans solde » -, qui auraient installé leur QG à Kinkala, chef-lieu de la région de Pool. L’information est confirmée au début de l’été par la Lettre du Continent. Officiellement, Paris mobilise des crédits d’aide publique à décaissement rapide (le Fonds d’aide et de coopération) pour payer l’intervention au Congo-B d’au moins 80 officiers et sous-officiers français - afin d’instruire ou conseiller des bandes armées criminogènes. Simultanément est montée une opération officieuse, Hadès (comme le dieu de l’enfer), dirigée par un militaire « retraité », Marc Garibaldi. Elle recrute 2 sous-officiers français pour encadrer 600 soldats congolais. Ils monteront dès septembre des opérations commando dans les fiefs des Ninjas. Le financement passerait par la banque FIBA, d’Elf et de Bongo...

 Diverses opérations « couvertes » sont signalées. Ainsi, le transport du matériel destiné au Festival panafricain de la musique (Fespam) aurait servi de couverture à l’envoi de militaires français, embarqués le 30 juillet à Roissy à bord du Boeing de la compagnie Cam Air... » [11].

 C’est ce système qui réagit toujours à la manière de la pieuvre face à sa proie, qui, dans une première phase, a violemment secoué la Côte d’Ivoire au mois de septembre 2004, pour remettre en cause Laurent Gbagbo, démocratiquement élu président de la République par les Ivoiriens, à la différence des grouillots présidentialisés par la France, qui peuplent l’hémisphère francophone du Sud du Sahara.

 Aussi, en cherchant le 26 janvier 2003 à imposer l’entrée d’opposants dans le gouvernement de Laurent Gbagbo, avec attribution des portefeuilles des Forces Armées et de l’Intérieur (dans le cadre d’une conspiration ourdie dans un bureau du Quai d’Orsay à Paris, sur instigation du président français, par Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères[12]), Jacques Chirac ne faisait qu’intimer au président ivoirien l’ordre de tisser lui-même la corde qui devait le pendre. Le président français comptait ainsi mettre un terme à la « présence intruse » de Laurent Gbagbo qui n’avait que trop duré dans les arènes de la Françafrique.

 

C’est cette stratégie d’élimination de Laurent Gbagbo qui explique la tonitruante diabolisation du président ivoirien par la presse française, sa télévision notamment, qui ne manqua pas alors de mettre l’accent sur l’existence en Côte d’Ivoire de « charniers » imputables au président ivoirien.

 La dernière carte de cette série vient d’être abattue aujourd’hui, en décembre 2010, par la tentative de hold-up électoral de la Françafrique d’imposer Alassane Ouattara comme Président de la République au Peuple Africain de Côte d’Ivoire.

 « Scoop » s’il en fut, qui démontra sans équivoque que la télévision française savait manier une déontologie élastique ; en effet, auparavant, le 18 janvier 2001, le 21e sommet de la Françafrique s’ouvrit à Yaoundé au Cameroun, sur une série de scandales, portant sur des ventes d’armes, la corruption et des charniers de milliers de corps d’opposants froidement exécutés par les escadrons de la mort ethnicistes de la dictature camerounaise[13]. La télévision française, complice du pouvoir néonégrier de son pays, bien que largement au fait de ces crimes, n’en informa point les téléspectateurs français ; le dictateur Paul Biya ayant le mérite de pratiquer l’art de la génuflexion et de la souplesse d’échine avec une aisance consommée.

 Aussi, les menaces que le président français proféra au cours du sommet de la Françafrique, à Paris en février 2003, sur « la fin de l’impunité », sur les assassinats et autres manquements aux libertés en Afrique Noire, visaient exclusivement Laurent Gbagbo, et non pas le parterre de ses supplétifs vassaux, qui avaient été sifflés pour applaudir la forfaiture de leur maître Blanc. C’est la dernière phase de cette stratégie française dont l’aboutissement devait être l’assassinat de Laurent Gbagbo, qui s’est déroulée au mois de novembre 2004, mais qui, grâce à l’intervention des jeunes « patriotes » qui se constituèrent en rempart du président ivoirien, s’est soldée par un cuisant échec pour la France.

 Par contre, de même qu’elle supprime les indésirables, la France veille jalousement sur ses courtiers. Elle utilise à cet effet des méthodes de natures diverses, qui vont de la fraude électorale à des violences telles que l’élimination physique d’opposants et de réfractaires. C’est dire si elle n’accepte chez les Africains que des caricatures sans morale ni probité : de fait, la France ne tolère pas que puissent exister dans ses néo-colonies, des femmes et des hommes de la stature politique d’un Nelson Mandela[14], par exemple, sa politique africaine étant de loin plus négrophobe que le système de l’Apartheid.

 Le soutien apporté jadis par Paris, comme seul pays occidental, à la dictature alors moribonde de Joseph-Désiré Mobutu, illustre bien cette idéologie néonégrière, qui repose sur des individus de nullité avérée, rompus à toutes sortes d’activités de prébendes, devant tout à leur protecteur français qui les a dressés pour une vie artificielle de servilité qui commande la reconnaissance et la soumission inconditionnelles. Des personnages de basse extraction morale, vassaux par excellence, complexés jusqu’à la moelle des os, lancés à coups de publicité mensongère par une presse particulièrement négrophobe et cocardière, qui cultive avec délice l’art du mépris du « Nègre »[15].

 Des caricatures qui ne seraient rien sans le maître d’aujourd’hui, incarnation agissante du commandant administratif d’hier, maître de céans toujours, comme en attestent les privautés que la France et les Français s’autorisent dans le rythme et l’organisation de la vie politique, économique et culturelle des néo-colonies d’Afrique Noire ; notamment dans celles dont le sous-sol recèle du pétrole : le Gabon de la monarchie de la famille Bongo, le Cameroun de Biya, le Congo de Sassou N’Guesso, des pays pourtant dits pauvres dont la vampirisation des ressources par la France n’a jamais été dénoncée ni par les partis politiques de gauche français, ni par les médias français, qui en auraient fait une croisade, si les victimes avaient été des Blancs, ou alors le spoliateur, un pays autre que la France.

 1°)- Sur le Gabon, Pierre Péan rappelle au sujet de la mission parlementaire d’information sur le rôle de la compagnie pétrolière française Elf en Afrique : «Le Gabon a été une excroissance de la République dirigée conjointement par Jacques Foccart, le parti gaulliste et Elf. En 1993, le président Bongo s’est maintenu au pouvoir grâce à un « coup d’Etat électoral », opéré avec la bienveillante neutralité du gouvernement français »[16].

 

2°)- Sur le Cameroun, Loïk Le Floch-Prigent révèle que Paul Biya a été placé au pouvoir par la société Elf. Quant à François-Xavier Verschave, il écrit : «L’armée tricolore n’a pas lésiné dans le maintien de « l’ordre Biya ». En 1993, elle a fourni au régime 50 millions de francs de matériel militaire de répression. La mise en œuvre de cet accord était supervisée par le général Jean-Pierre Huchon, chef de la mission militaire de coopération par ailleurs très engagé au Rwanda. En février 1994, les services français ont déjoué un projet de coup d’Etat au stade ultime de sa préparation. Le chef de la DGSE[17], le général Jacques Dewatre, a été chargé de « déminer » l’armée camerounaise [...] Fin 1999, celle-ci était encore conseillée et encadrée par plus de cent officiers et sous-officiers français »[18].

 En outre, la France a doté Paul Biya de cinq chasseurs Alpha jet 11 CM-170 dont la particularité est qu’ils sont spécialement équipés d’un dispositif anti-insurrection. Ainsi donc, le Cameroun françafricain de Paul Biya ne dispose pas d’une armée de l’air, mais de machines destinées à larguer des tonnes de bombes sur les Camerounais, au cas où ils s’aviseraient de contester la dictature franco-Biya, qui les écrase depuis des décennies.

 

Au Togo, familiarisé avec la fraude sous la vigilante protection de la France, le désormais feu dictateur Eyadéma récidiva une énième fois, le 24 juin 1998, en se proclamant vainqueur à l’ « élection présidentielle », avec 52,13 % des suffrages.

 Afin de mater la contestation qui suivit cette fraude, le Caligula tropical du Togo lança ses escadrons de la mort sur les protestataires. Ils firent des centaines de morts, dont le vice-président de l’Union des Forces de Changement (U.F.C.)[19], un septuagénaire à qui ils fracassèrent le crâne. Dans le cadre du renforcement de cette croisade sanglante, l’armée togolaise fut l’objet d’une purge musclée.

 Evénements liberticides sur des Nègres qui ravirent M. Jacques Chirac, président de la République française, qui reçut avec chaleur Gnassingbe Eyadéma à l’Elysée à la fin du mois de novembre 1998, à l’occasion de la messe de la Françafrique à Paris : pour le président français, pour qui « la démocratie est un luxe pour l’Afrique Noire », les intérêts néo négriers français étaient bien gardés au Togo.

 

En juillet 1999, M. Jacques Chirac, entreprit une tournée des Grands Ducs dans trois de ses possessions africaines : en Guinée de Lansana Conté, au Togo de Gnassingbe Eyadéma, et au Cameroun de Paul Biya.

 Sur le Togo, l’O.N.G. Amnesty International dénonça la situation interne, dans un rapport intitulé « Togo, Etat de terreur », établi à la suite d’une enquête qui avait abouti à la découverte de l’exécution, par la dictature d’Eyadéma en juin 1998, de centaines de personnes dont des militaires, jetés par la suite en haute mer, à coups de ballets d’avions et d’hélicoptères entretenus par les « bons soins » de la coopération militaire française au Togo. Dénonciation inacceptable pour le président français qui accusa l’O.N.G. de se livrer à de la manipulation.

 Aujourd’hui encore, comme au Cameroun de Paul Biya, où la France n’a de cesse de susciter et d’exacerber l’ethnicisme, le président français, pourfendeur de « l’ivoirité » qu’il attribue par calcul à Laurent Gbagbo, ne forme pas moins allègrement au Togo d’Eyadéma des officiers kabye (ethnie du feu dictateur), dressés pour massacrer et indiquer aux autres régions de ce satrape français, que seuls les ressortissants de la partie septentrionale de leur pays sont les vrais Togolais.

 

Le 1er juin 2003, à la suite d’une fraude précédée et suivie d’intimidations et de menaces sur l’opposition, le dictateur Eyadéma, assuré du soutien de son suzerain français, et sans aucun doute sur injonction de l’Elysée, se proclama une fois encore élu président de la République avec 57 % des voix, bien qu’ayant publiquement déclaré le 23 juillet 1999 qu’il ne briguerait plus de mandat « présidentiel ».

 Le président français, Jacques Chirac, ne manqua pas, cette fois encore, de lui adresser ses plus chaleureuses félicitations.

 Comme le note judicieusement le journal français Le Canard Enchaîné, dans sa livraison du 14 avril 2004, sous le titre « Les trous de mémoire de la France sur son passé rwandais » : « A ce petit jeu très dangereux, la France n’a même pas l’excuse de l’inexpérience. Pour conserver son rang en Afrique, et depuis quarante ans, Paris soutient des régimes dictatoriaux, adeptes de l’épuration ethnique ou tribale. A Djibouti, 2700 soldats tricolores contribuent à la pérennité du parti unique, entièrement aux mains des Issas, en réprimant les Afars (40 % de la population).

 Au Cameroun, c’est le clan du président francophone Biya qui a la cote, au détriment des anglophones et des Bamilékés, souvent opprimés par le passé. En Cote d’Ivoire, dans les années 90, la France n’a pas mégoté son aide au président Konan Bédié, inventeur du concept d’«ivoirité », aux conséquences si funestes aujourd’hui » [20].

 

Au Rwanda, le monde put constater en 1994 la dangerosité de la France en Afrique Noire : «

 

avant de Lorsque le FPR attaque le Rwanda moins de quatre mois plus tard, le 1er octobre 90, les troupes françaises volent au secours du régime dès le 4 octobre sous le couvert d’une opération humanitaire. Contrairement aux troupes belges qui repartiront fin octobre, la présence militaire française demeurera jusqu’en décembre 93. Ses effectifs, évalués à 450 au départ augmenteront en fonction de la menace que le FPR fera peser au régime de Kigali, atteignant le chiffre de 600 en juin 1992 lors de l’attaque de Byumba et d’environ 700 lors de la grande offensive du FPR de février 93.

 Au-delà des renforts, Paris fournira régulièrement des armes et l’encadrement à l’armée gouvernementale et aux milices Interahamwe. Les troupes françaises ont également participé au front, entre autres lors des grandes offensives du FPR - en octobre 90 dans le Mutara, en juin 92 à Byumba et en février 93 à Ruhengeri. En juillet 91 elles ont participé aux interrogatoires des prisonniers de guerre membres du FPR et en février 93, elles ont procédé, avec les forces génocidaires au contrôle des pièces d’identité des Rwandais. S’agissant de l’opération Turquoise, si elle a permis de sauver quelques centaines de Tutsi, elle n’en a pas moins fait tuer d’autres. En juillet 1994, 90 % des 5 000 civils Tutsi qui résistaient près du Mt Karongi (Kibuye) ont été exterminés par les Interahamwe. Les militaires français les avaient fait concentrer à cet endroit en vue de leur évacuation, revenir une semaine plus tard. Une concentration qui avait facilité le travail des milices... »[21],  signale Justin Gahigi.

 

Jean-Paul Gouteux rapporte pour sa part que : « Le gouvernement intérimaire qui réalisa le génocide des Tutsi a été composé à l’intérieur même de l’ambassade de France et au ministère de la Défense, sous la houlette de l’ambassadeur Marlaud et du colonel Bagosora, dans les deux jours qui ont suivi l’assassinat d’Habyarimana. Pendant tout le déroulement du génocide, ce gouvernement bénéficia du soutien officiel, discret mais efficace, de la France et de son soutien officieux par la livraison d’armements. Le génocide des Tutsi a été largement financé par l’Etat français, notamment à l’aide de prêts garantis par le Crédit Lyonnais. Cette garantie aura permis en 1992 l’achat pour quelques 35 millions de francs d’armement à l’Egypte. Tout le poids et la crédibilité du « pays des droits de l’homme » sont derrière la réalisation du dernier génocide du siècle »[22].

 S’agissant toujours du Rwanda : « A la fin des années quatre-vingt les manifestations populaires se multiplient : le 8 janvier 1990, 100 000 Rwandais manifestaient à Kigali contre le gouvernement. Une autre manifestation eut lieu à Kigali le 15 janvier. Des marches importantes se produisirent également à Gitarama et à Butare. Les Hutu du Sud se révoltaient contre le népotisme « nordiste » du régime et celui-ci multipliait les arrestations. Après avoir simulé une attaque du FPR sur Kigali le 6 octobre 1990 en tirant en l’air, le régime incarcère très brutalement 10 000 Tutsi et opposants politiques. Un témoin privilégié, employé au centre culturel français, signale que cette attaque simulée a été faite sur les conseils et avec le concours de militaires français de l’opération Noroît venus stopper la première attaque du FPR, le 1er octobre... [...].

 Finalement, Habyarimana dut céder : la conférence de 1991 à Dar-es-Salam sur le droit au retour des réfugiés entraîna la modification de la Constitution, la reconnaissance du pluripartisme et de la liberté de la presse. L’essentiel de l’opposition intérieure s’est alors regroupé dans quatre partis : le Mouvement démocratique républicain (MDR), le Parti libéral (PL), le Parti social-démocrate (PSD) et le Parti démocrate chrétien (PDC). Alors que Habyarimana est contraint à partager le pouvoir, la famille de son épouse et ses proches (son akazu ou maisonnée) créent par réaction en mars 1992 la Coalition pour la défense de la République (CDR). L’ex-parti unique présidentiel, le MRND, y trouve un parti frère qui peut exprimer tout haut ce que les dignitaires du pays pensent tout bas. La CDR joue le rôle de l’aile dure du MRND. Affichant une ligne ethniste radicale, ce parti devient immédiatement l’enfant chéri des autorités françaises. Ses discours ressassent l’idée de la « solution finale » au problème tutsi. Le journal de cette tendance raciste extrémiste, Kangura, avait déjà publié en 1990 les célèbres « Dix commandements du Hutu », un pamphlet prônant l’élimination des Tutsi. A la fin de la même année, un militaire français, le lieutenant-colonel Chollet, dirige et organise l’armée rwandaise. Paul Barril est déjà en contact avec les extrémistes de l’akazu, le clan familial du président »[23].

 Dans la présentation de La Nuit rwandaise, L’implication française dans le dernier génocide du siècle, Jean-Paul Gouteux écrit : « C’est l’histoire de l’abandon d’une minorité désarmée, l’holocauste de civils livrés sans défense à un Etat qui tuait « au nom de la race ». Un holocauste attendu, prévu, pensé par ceux qui orchestraient cet abandon. En France, les coulisses du génocide sont toujours dans la nuit. L’implication des autorités françaises dans une telle horreur est trop « inimaginable » pour que les Français se fassent violence de contester un discours lénifiant et rassurant. Ils se sont ralliés à la raison d’Etat. Des journalistes orchestrent la désinformation et manipulent l’opinion française. Des parlementaires assassinent la mémoire, enterrent le scandale avec une mission d’information conçue pour cela. Des sociologues et des historiens cautionnent cette mascarade. Des humanitaires préfèrent se taire devant les subventions et la raison d’Etat. Des hommes politiques brandissent « l’honneur de la France » et dénoncent ses ennemis... ».

 Il n’est donc pas étonnant que, comme le rapporte Le Canard Enchaîné n° 3989 du 9 avril 1997, M. Jacques Godfrain, un ancien ministre français de la coopération, se soit félicité, dans une livraison du Figaro, en avril 1997, de la politique africaine de la France : « A ceux qui nient que les liens entre la France et l’Afrique ont assurément été un succès après la décolonisation réussie, j’aimerais demander quelles autres puissances coloniales ont des rapports aussi confiants avec leurs anciennes colonies ? »[24].

 Par BWEMBA-BONG, Membre du Cercle SAMORY (CESAM)

 Groupe de Réflexion sur la Culture Africaine

 Pour la Renaissance du Peuple Noir

 [1] Extrait de l’ouvrage Quand l’Africain était l’or noir de l’Europe, ANIBWE, 2010.

[2] Ainsi que M Michel Debré le déclarait devant le Conseil d’Etat français en 1958, « Pour soutenir ces attributions, des organes communs sont institués. Le premier de tous, c’est, par la force des choses, le président de la République qui est le président de la Communauté » Documents d’études n°1.04 février, Documentation Française, 1970, p. 22.

 

[3] La Piscine est le siège des Services de Renseignements français.

[4] Philippe Bernet, SDECE : Service 7 : l’extraordinaire histoire du Colonel Leroy-Finville et de ses clandestins, France Loisirs, Paris, 1981, p. 248-254.

[5] Cheikh Anta Diop, Les Fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire, Présence Africaine, Paris, 1974, p. 46.

[6] Cheikh Anta Diop, Alerte sous les tropiques, Présence Africaine, Paris, p. 67.

[7] Un homme politique français aurait déclaré que l’Afrique Noire est le seul continent que la France peut tenir avec seulement 500 hommes.

[8] François-Xavier Verschave, Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?, Les Arènes, Paris, 2000, p. 184.

[9] Voir François-Xavier Verschave, La Françafrique, le plus long scandale de la République, Stock, Paris, 1998, p. 114.

[10] François-Xavier Verschave, Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?, Les Arènes, Paris, 2000, p. 373.

[11] François-Xavier Verschave, Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?, Les Arènes, Paris, 2000, p. 34-35. La Cam Air, compagnie aérienne du Cameroun, autre territoire du pré-carré français où, selon leur bon vouloir, les très démocrates présidents français gratifient du titre aussi pompeux que vide de « président de la République », l’imposteur Paul Biya qu’ils ont créé de toutes pièces, et qu’ils tiennent sous leur domination absolue. Voir également l’article de Jean-Pierre Cot, dans Le Monde Diplomatique de janvier 2001.

[12] « C’est dans un bureau du Quai d’Orsay que quatre personnes vont discuter, en petit comité, de la composition du futur gouvernement ivoirien. Côté français, Villepin et Nathalie Delapalme, sa conseillère anti-Gbagbo ; côté africain, le chef rebelle Guillaume Soro et un émissaire de Blaise Compaoré, le président du Burkina qui ne se cache pas de vouloir la perte de Gbagbo.

Jadis, Paris installait, défendait ou renversait les chefs africains francophones. Aujourd’hui, on discute du sort de l’un d’entre eux dans un bureau ministériel. C’est un progrès ? » écrit Le Canard Enchainé dans sa livraison du 5 mars 2003.

[13] Voir Les disparus de Douala, documentaire d’Osvalde Lewate, production France 5/AMIP/Waza Images, 2007.

[14] Nelson Mandela n’aurait jamais pu atteindre le millième de sa notoriété politique, s’il avait été confronté à la France. Car, celle-ci l’aurait assassiné dès les premiers balbutiements de sa lutte.

[15] Voir Odile Tobner, Du racisme français. Quatre siècles de négrophobie, Les Arènes, Paris, 2007.

[16] Pierre Péan dans Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?, op.cit, p. 198.

[17] On comprend que dans leur ouvrage L’Ordre du Temple Solaire, les secrets d’une manipulation, les journalistes français Arnaud Bedal, Gilles Bouleau et Bernard Nicolas signalent le financement de la D.G.S.E. (entre autres) par Paul Biya.

[18] François-Xavier Verschave, Noir silence. Qui arrêtera la Françafrique ?, Les Arènes, Paris, 2000, p. 178.

[19] Parti de Gilchrist Olympio, le fils du défunt président Sylvanius Olympio, tenu pour ennemi politique par feu Eyadema.

[20] Le Canard Enchainé, livraison du 14 avril 2004.

[21] Justin Gahigi, Les deux mamelles du Hutu Power, Regards Africains, n°37, hiver 1996, p. 35.

[22] Jean-Paul Gouteux, Un génocide sans importance, la Françafrique au Rwanda, Tahin Party, 1997, p. 28-29.

[23] Jean-Paul Gouteux, La Nuit rwandaise. L’implication française dans le dernier génocide du siècle, L’esprit Frappeur, Paris, 2002, p. 26-27.

[24] Depuis que le ridicule ne tue plus, l’humanité assiste parfois à de drôles de spectacles.

 

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