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La frénésie anti-Kadhafi qui agite aujourd'hui la France à l'occasion de la visite de cinq jours de Mouammar El Kadhafi, constitue le dernier soubresaut d'une diabolisation en règle menée contre le guide de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste depuis près de deux décennie par les médias en occident.

La frénésie anti-Kadhafi qui agite aujourd'hui la France à l'occasion de la visite de cinq jours de Mouammar El Kadhafi, constitue le dernier soubresaut d'une diabolisation en règle menée contre le guide de la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste depuis près de deux décennie par les médias en occident. Aujourd'hui, la plupart de ces médias remettent çà, mais dans un monde qui a beaucoup évolué du fait de l'émergence des autres canaux d'information et de la prise de conscience tous azimuts en Afrique et dans sa diaspora.

Il y a une quinzaine d'années, je vécus une scène dans un pays africain. A l'époque, la diabolisation de Kadhafi avait atteint des sommets : Deux hommes discutaient dans un chantier et l'un d'eux a dit à l'autre : "Désormais, je vais t'appeler Kadhafi". Et l'autre d'entrer dans une colère noire : "Pourquoi tu me traites de criminel. Qu'est ce que je t'ai fait? Non, surtout pas Kadhafi", avait-il presque supplié. Cela se comprenait. A l'époque, les médias présentaient Kadhafi comme un "tueur d'innocents", un "impérialiste" qui a envahi le Tchad et qui s'apprête à envahir toute l'Afrique noire pour imposer la religion islamique. Aujourd'hui, heureusement, beaucoup d'Africains, à l'exception de ceux qui sont encore culturellement pollué, ont compris où se trouvaient leurs intérêts et que Kadhafi n'était pas toujours le diable incarné pour lequel on voulait le faire passer.

L'une des flèches les plus empoisonnée contre Kadhafi a été décochée par sa jeune "sœur", la secrétaire d'Etat aux affaires étrangères Rama Yade. Dans une interview au journal le Parisien, elle a dit exactement ceci : "Il doit comprendre que notre pays n'est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort". Des propos certes virulents mais qui doivent être ramenés à leur juste proportion. Comme l'a souligné l'ancien ministre des affaires étrangères de François Mitterrand, Roland Dumas, la jeune Rama Yada a "besoin d'exister en tant que secrétaire d'Etat aux droits de l'homme". Elle a besoin de donner de la voix dans ce gouvernement de la France qui n'a toujours pas su prendre sa vraie couleur au niveau des institutions. Elle a aussi besoin, en cognant très fort sur Kadhafi, de flatter l'ego de certains xénophobes afro-paternalistes qui vivent toujours mal sa présence dans ce gouvernement. Dans une démarche tout en communication, on peut dire que Rama Yade a voulu aussi profiter de l'événement Kadhafi pour se construire médiatiquement avec l'aval du Président Sarkozy qui ne lui a jamais ménagé son soutien et son encadrement. Ceci est d'autant est plus plausible que le président Sarkozy lui a renouvelé sa confiance après l'avoir reçue à l'Elysée. Il faut d'ailleurs dire que la portée des flèches de Rama Yade est bien relative s'agissant d'atteindre un mastodonte de la trempe de Kadhafi. C'est comme si on donnait des cailloux à un enfant de deux ans en lui demandant de lapider un éléphant.

Bien sûr Kadhafi n'est pas un saint – d'ailleurs en connaîtrez-vous un? Ce fils de paysan Bédouin est arrivé au pouvoir très jeune, à 27 ans. Il avait pour idole un certain Abdel Gamal Nasser, panafricaniste de la première heure rendu célèbre par la nationalisation du canal de Suez. Kadhafi pensait et son âge militait pour lui, qu'il pouvait refaire le monde, déplacer les montagnes. Il a tenté l'union magrébin sans succès. Il a alors pensé l'union africaine sur laquelle il est planché depuis des années et pour laquelle il dépense sans compter. Dans sa démarche parfois très folklorique, il a fait certainement des bêtises. De ces bêtises, il s'est depuis longtemps repenti, il a même accordé des réparations aux victimes de ses bêtises, à la différence des pays colonialistes qui sans doute ont fait pire que lui et qui ne veulent pas entendre parler de repenti encore moins des réparations.

UNE FAUTE AVOUEE…

Ceux qui trouvent que Kadhafi souille la terre du pays des droits de l'homme par sa visite mettent en avant la fait qu'il des un "criminel" ayant financé le terrorisme. Ils ont peut-être leurs raisons, sauf que la posture de "donneur de leçons" qu'ils adoptent a quelque chose de désuet, d'anachronique et de démodé même. Une posture que Romain Gubert et Emmanuel Saint Martin analysent dans leur ouvrage : "L'arrogance française" en ces termes : "C'est une maladie à laquelle les Français sont très attachés : croire que la France doit offrir au monde les lumières, le Droit, la liberté. Que leurs dirigeants sont porteurs de message universel. Forcément universel. Qu'eux-mêmes, à l'étranger, ne sont pas de simples touristes mais surtout d'ambassadeurs du talent, du goût, du charme français…" Ce qui a été peut-être vrai jusqu'à une certaine époque mais qui ne l'est plus. Et les deux auteurs de faire la recommandation suivante : "Pour retrouver son lustre d'antan, pour redevenir le modèle qu'elle fut et pourrait être encore, la France doit réapprendre la modestie".

Il y a autre chose de plus humaniste à faire comprendre à ceux qui décochent leurs flèches contre Kadhafi. ils doivent retenir ceci : Ne pas vouloir saisir la main tendue par un prétendu criminel, de surcroît repenti, relève de l'apologie de la rancune et constitue une tentative d'humiliation qui, comme on sait, conduit très souvent au second crime. Et c'est ici que réside réellement l'hypocrisie de tous ceux qui s'agitent dans l'arrière cour. L'hypocrisie est surtout celle de l'élite politique française qui, alors que la France perd de son influence dans le monde comme un arbre desséché perd ses feuilles, continue grossièrement à flatter son ego et à se perdre des batailles politicienne feignant d'ignorer la réalité qui est celle de "l'impuissance française" d'après le titre de l'ouvrage d'Isabelle Lassère. Posant un diagnostic sans complaisance de l'influence de la France dans le monde, cette journaliste du Figaro arrive à la conclusion selon laquelle la France est devenue rien moins qu'une "puissance moyenne". Elle révèle que le "siège onusien de la France au conseil de sécurité est de plus en plus contesté et qu'il sera un jour celui de l'Europe". Pour les causes ayant conduit à cette reculade de la France, elle pointe certains "travers diplomatiques : le jacobinisme, le réflexe impérial et le maintien de tropismes historiques d'un autre temps". Pour finir, l'auteur de "l'impuissance française" "somme les nouveaux dirigeants de la France de redéfinir une nouvelle politique étrangère de la France en adéquation avec la réalité".

Cette réalité, c'est celle que le premier ministre François Fillon a eu le courage de reconnaître. A savoir que "la France est en faillite". Une sentence un peu trop brutale sur laquelle le président Sarkozy est revenue pour en atténuer le choc mais sans réellement démentir. Ce n'est pas encore la banqueroute mais le pays a des problèmes dans ses performances économiques. Ce qui a des répercutions sur son modèle socio-économique et créé les désordres qu'on constate aujourd'hui. Par exemple, la désillusion de la gauche dont certains dirigeants, au lieu d'élaborer des stratégies pour se relever et montrer le chemin à leurs militants perdus, continue curieusement de tenir le discours vieillot de l'arrogance. Il y a pourtant un certain nombre d'ouvrages de référence, écrits par des Français et qui posent des diagnostics pour certains ou tirent même une sonnette d'alarme pour d'autres.

Il y a par exemple Nicolas Bavarez qui a écrit plusieurs ouvrages dont "La France qui tombe". Dans ce dernier, il dénonce "un modèle culturel fondé sur un encrage archaïque des mentalités et une absence de volonté d'envisager à chaque niveau un destin collectif". Il n'hésite pas à parler "d'une chronique annoncée du déclin de la France dû au fait que chaque gouvernement depuis l'après guerre se trouve comme paralysé par l'idée d'une réforme". Nicolas Bavarez se penche lui aussi sur l'influence de la France dans le monde pour constater que : "l'écart se creuse entre la rhétorique de la puissance et les moyens de son exercice". Romain Gubert et Emmanuel Saint Martin font le même constat lorsqu'ils écrivent que "nos prêches, nos coups de menton et autres péroraisons ont fini par lasser la planète (…) Et la France paie cher cette morgue dominatrice". Les spécialistes de la diplomatie savent par exemple que le discours de Dominique de Villepin aux Nations Unies contre la guerre irakienne de Georges Bush a certes contenté les damnés de la terre de par le monde mais n'a rien apporté à l'influence française parce qu'il ne dévoilait aucun moyen de l'exercice de cette puissance proclamée.

LE "REALISMOLOGIE" SARKOZIENNE

Conscient de l'état réel du pays qu'il a reçu en héritage à l'issue du scrutin d'avril-mai dernier, Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à enfiler la toge du super président du Medef pour parcourir le monde en compagnie d'un nombre toujours plus impressionnant d'opérateurs économique français. Il est à la recherche des contrats nécessaires à la relance de son économie. Sarkozy le fait dans un certain folklore en phase avec son tempérament comme il a lui-même aussi remarqué chez Kadhafi. Il le fait en posant des frasques comme il l'a fait dans le fameux discours de Dakar qui reste à ce jour un chef d'œuvre de l'arrogance stupide, ou encore lors de la gestion des prisonniers du Tchad. Mais il ne se laisse jamais distraire par sa volonté presque obsédante d'atteindre un résultat. Son périple, tout de business vêtu, l'a conduit en Libye, au Maroc, en Chine, en Algérie, en Chine avec à la clé des contrats estimés à près de 40 milliards de dollars. Il dit vouloir relancer la croissance française, réduire le chômage et revaloriser le pouvoir d'achat.

La main qui reçoit étant théoriquement toujours placé en dessous de celle qui donne, le président français, dans une démarche empreinte de réal politik, décide d'abandonner la posture de donneur de leçons. Il préfère s'adapter au tempérament de ses interlocuteurs et respecter leur modèle de conduite des affaires. Question de ne pas les effaroucher car, il sait qu'ils sont libres de se tourner vers d'autres pays européens demandeurs des mêmes contrats. Il faut dire d'ailleurs que beaucoup de dirigeants européens avaient fait avant Sarkozy le voyage de Tripoli où ils avaient aussi signé des contrats. Et qu'à la suite, Kadhafi avait été invité à Bruxelles par les états membres de l'union européenne. Sarkozy croyait donc en invitant Kadhafi, poursuivre un processus normal de réhabilitation d'un dirigeant repenti. Et qu'est ce qui se produit?

Des Français, pourtant bien au fait des difficultés de leur pays aujourd'hui, font de la surenchère du moralement correct en accusant Sarkozy de brader la fierté française. Une fierté qui, comme dit l'adage, dans un état de dénuement, n'est plus qu'une maladie. Les plus malins de cette ligne de démarcation anti-Kadhafi ne crachent pas sur les contrats mais disent qu'il ne fallait pas s'afficher avec Kadhafi. Autrement dit : on méprise le colonel libyen sans avoir le courage de mépriser son argent. Et c'est cette duplicité qui me fait croire que le problème peut être ailleurs.

La problématique est finalement celle des personnes qui, en France ou dans beaucoup d'autres pays européens pensent encore qu'ils sont les seuls capables à indiquer aux autres peuples et surtout aux Africains le profil du dirigeant qui est bon pour eux. C'est ce que la chancelière allemande Angela Merkel a tenté de faire à Lisbonne l'autre jour avant de recevoir une volée de bois vert de la part d'un Robert Mugabè conquérant et fier. Il lui a demandé si elle et sa clique se croyaient capables de connaître le Zimbabwe plus que ses pairs africains qui l'ont soutenu contre le premier ministre Britannique Gordon Brown. Le problème est que, les intérêts de l'Afrique étant diamétralement opposés aux intérêts de l'occident, les Africains ne se retrouvent plus – se sont-ils jamais retrouvés? - sur le profil des dirigeants que tentent de leur proposer ou imposer l'occident et ont désormais le courage de le faire savoir.

Dans un sondage, certainement non conventionnel mais hautement significatif, mené par un site Internet, il était demandé aux internautes d'attribuer des notes aux dirigeants africains en fonction de leurs capacités à défendre les intérêts de l'Afrique. Les trois dirigeants qui sont venus en tête sont respectivement : Robert Mugabe, Mouammar Kadhafi et Laurent Gbagbo. Exactement les trois qui auraient fermé la queue si le sondage était proposé à l'élite occidentale.

DICTATEUR ECLAIRE?

Comme tout dictateur qui finit par se laisser griser par le pouvoir, Kadhafi gère un peu son pays comme une échoppe, mêlant de façon parfois grossière sa famille à la gestion des affaires de l'Etat. Il doit se prendre parfois pour un roi et c'est pourquoi il ne tolère pas l'opposition et contrôle la presse. C'est vrai, la Libye n'est pas une démocratie au sens où l'entendent les occidentaux, partisans de la démocratie comme modèle universel de gestion de la Cité. Mais la Libye n'est pas non plus l'enfer pour lequel les détracteurs de Kadhafi veulent la faire passer. Très peu de Libyens sont dénombrés parmi les migrants qui, chassés de leur pays par la misère, parcourent le monde à la recherche d'une pitance. Il y a aussi que vouloir enfermer tout le monde dans un jacobinisme de mauvais aloi comme veulent le faire les occidentaux est aussi une façon d'imposer la dictature du plus fort. Cette contrainte est encore plus insupportable lorsqu'elle est à tête chercheuse.

Il y a des pays en Afrique où les dirigeants ont transformé toute la superficie du territoire en vaste prison grâce à la pauvreté et à la misère qu'ils y font régner. Les populations n'ont plus qu'un seul choix : s'échapper pour rejoindre l'Europe par tous les moyens. Ils se font très souvent tuer en traversant la mer. C'est le lieu ici de recommander aux observateurs des droits de l'homme de changer de paradigmes d'observation puisque que beaucoup de dictateurs n'emprisonnent plus, ne torturent plus. Ils asphyxient économiquement leur peuple et parviennent ainsi à pousser les jeunes hors des frontières et à museler les opposants. Et pourtant, aucune critique des pourfendeurs de Kadhafi ne s'élève jamais en France contre ces chefs d'Etat lorsqu'ils y sont reçus parfois en grande pompe ou lorsque le président français leur rend visite. Tout ceci parce que ces dirigeants, qui par ailleurs ferment les yeux sur le pillage des ressources de leur pays, n'ont jamais daigné contrarier leur maître. Ceci nous fait comprendre que le problème de Kadhafi n'est pas tant qu'il soit dictateur ou terroriste comme on veut le présenter, c'est parce qu'il ose donner du répondant à ce qu'il appelle lui-même "l'impérialisme occidental", c'est parce qu'il œuvre pour les Etats-Unis d'Afrique, c'est parce qu'il ose se présenter en Africain fier, refusant de raser les murs et courber l'échine.

Pour l'Afrique et les Africains, Kadhafi est une icône importante au-delà de l'image controversée qu'il peut projeter. Dans un monde où le fait de n'être pas connu est de plus en plus synonyme de mort virtuelle mieux vaut se hisser même sur un diable si ce dernier peut t'amener à la lumière. Il faut être Africain et de préférence noir. Il faut avoir affronté parfois injustement le paternalisme, la condescendance et même le mépris des autres peuples pour savoir apprécier à sa juste valeur le fait pour un dirigeant du rang de Mouammar Kadhafi de porter fièrement et de façon ostentatoire, le macaron du continent africain dans tous les fora internationaux.

Les médias occidentaux devraient, avant de mener leurs campagnes de dénigrement à tête chercheuse, tenir compte désormais de la prise de conscience qui celle des Africains aujourd'hui aussi bien au niveau des peuples que celui des dirigeants. Une rpise de conscience bâtie à l'aide de divers réseaux créés grâce à la toile Internet. L'union sacré formé autour de Robert Mugabè par les autres dirigeants africains lors de son bras avec le premier ministre britannique Gordon Brown est un signal fort qui montre que, pour reprendre Rama Yade qui répondait aux envolées colonialiste du député Arnaud Montebourg à propos de l'affaire de l'Arche de Zoé, que "l'Afrique de papa c'est terminée".

Par Etienne de Tayo

Promoteur de "Afrique Intègre"

Ouvrages :

Romain Gubert et Emmanuel Saint Martin : L'arrogance française : Pourquoi ils nous détestent, éditions Balland, 2003;

Lassère, Isabelle : L'impuissance française : Une diplomatie qui a fait son temps, Flammarion, 2007

Bavarez, Nicolas : La France qui tombe, Librairie académique Perrin, 2004

Source: edetayo.blogspot.com/

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