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Le départ de l'Afrique du Sud est un coup que la Cour pénale internationale a amplement mérité. Cela fait quinze ans qu'elle viole un grand nombre de principes juridiques au détriment du système international, indique l'historien John Laughland

La décision annoncée par la République d'Afrique du Sud de quitter la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) portera peut-être un coup fatal à cette instance, créée en 2000. Le Burundi ayant aussi annoncé son intention de dénoncer le Statut de Rome, d'autres pays africains risquent de les suivre. Ce coup fatal, s'il en est un, la Cour pénale internationale l'a amplement mérité car cela fait quinze ans qu'elle viole un grand nombre de principes juridiques. Cette violation en série des principes fondamentaux du droit a profondément dégradé non seulement le système international, mais aussi l'Etat de droit en général.

Le Statut de Rome lui-même est une violation grave d'un des principes élémentaires du droit international, à savoir qu'un pays ne peut pas être soumis à une juridiction à laquelle il n'a pas donné son consentement

La première violation grave se trouve dans le Statut de Rome lui-même, la charte de la Cour pénale internationale. Rédigé en 1998, ce document donne au Conseil de sécurité des Nations unies le pouvoir de «déférer» des situations au Procureur de la Cour. Dans ce cas, un pays qui n'a pas souscrit au Statut de Rome et qui n'est donc pas signataire de ce traité, peut être placé sous sa juridiction. Ce fut le cas du Soudan en 2007 et de la Libye en 2011.

Or, c'est une violation grave de l'un des principes élémentaires du droit international, exprimé dans la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, à savoir qu'un pays ne peut pas être soumis à une juridiction à laquelle il n'a pas donné son consentement.

Partout dans le droit international, on trouve aussi des affirmations on ne peut plus claires interdisant l'ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Qu'il s'agisse des arrêts des juges américains à Nuremberg en 1947 ; du tout premier arrêt de la Cour internationale de justice en 1949 ; de la Charte de l'ONU ; des résolutions de l'Assemblée générale de l'ONU ; des arrêts plus récents de la Cour internationale de justice. L'affirmation selon laquelle cette interdiction serait tombée en désuétude grâce à la création de tribunaux supranationaux pour crimes de guerre ne tient pas debout.

Les provisions contenues dans le Statut de Rome représentent aussi une violation de la Charte des Nations unies, dans la mesure où cette dernière peut seule attribuer ou retirer des pouvoirs à un des organes de l'ONU. Aucun autre traité, par définition, ne peut le faire. Le principe de la légalité est violé si les pouvoirs d'un organe sont stipulés par un document autre que son document constitutif.

La CPI ne sera jamais contrainte de rendre compte de ses décisions à personne, elle incarne le principe de pouvoir sans responsabilité

En déférant ces «situations» au Procureur de la Cour pénale internationale, le Conseil de sécurité s'est rendu complice de la violation du principe de la légalité exprimée par le Statut de Rome. Il s'est discrédité en caractérisant des conflits à l'intérieur de deux Etats africains comme «une menace à la paix et à la sécurité internationales». La Cour pénale internationale, pour sa part, s'est rendue complice de la politique otanienne en Libye en 2011 en accusant le chef de l'Etat libyen de crimes de guerre. Le fait que la Libye soit aujourd'hui plongé dans le chaos – un chaos qui menace aussi l'Europe car il rend possible des flux migratoires gigantesques – prouve bien que la politique menée par la CPI – car elle en était vraiment une – était catastrophique.

Mais, comme toutes les instances internationales, la CPI ne sera jamais obligée de rendre compte de ses décisions à personne. Structurellement détachée de ceux sur lesquels elle exerce son autorité, elle incarne le principe de pouvoir sans responsabilité.

D'autres violations du principe de la légalité ne sont pas moins préoccupantes. Suivant le triste exemple des tribunaux ad hoc créés pour les crimes commis lors de la guerre en Yougoslavie et au Rwanda, créés respectivement en 1992 et en 1994 par le Conseil de sécurité, les procès devant la Cour pénale internationale durent beaucoup trop longtemps. Le procès de l'ancien président de Côte d'Ivoire, Laurent Gbgabo, n'a commencé qu'en 2016, alors que l'accusé a été arrêté en 2011. Légalement innocent, il aura donc passé au moins cinq ans en prison, sans doute beaucoup plus, avant une quelconque condamnation. Le premier inculpé de la CPI, Thomas Lubanga, a passé trois ans en prison avant que son procès ne commence en 2009. Ces périodes excessivement longues font fi du principe de la présomption d'innocence.

La longueur des procès a sans doute une explication humaine, trop humaine. Le budget de la CPI, qui a atteint 150 millions d'euros en 2016, a augmenté de 50 millions d'euros tous les six ans. Un pourcentage très disproportionné est affecté au bureau du Procureur. Plus longtemps les procès durent, plus les avocats n’encaissent d'honoraires. Un total de 18 personnes a été inculpé par la CPI depuis sa création : depuis 2004 elle a dépensé plus d'un milliard d'euros. Cela fait 62 millions d'euros par inculpé. Quel contraste avec le système judiciaire au Rwanda, sans doute rudimentaire, qui coûte 50 dollars par inculpé!

L'Afrique du Sud montre le chemin, espérons-le, vers un retour au droit international classique, en vertu duquel les pays sont souverains et doivent être traités avec respect et sur un pied d'égalité

Dernier élément, et non des moindres : la CPI n'inculpe que des Africains. Dans la mesure où son budget vient principalement de pays européens, son action s'apparente à une sorte de colonialisme. Voilà la raison pour laquelle le divorce annoncé par l'Afrique du Sud est significative. Déjà en 2013, l'Union africaine, qui réunit tous les pays du continent, avait annoncé son opposition à l'inculpation de chefs d'Etat africains.

Les membres de cette union régionale ont compris la portée symbolique des inculpations qui ont eu lieu au Soudan, en Libye, et surtout au Kenya, où la CPI a voulu juger le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, le fils de l'une des plus grandes personnalités de la décolonisation.

La parenthèse ouverte en 1991 est en train de se refermer. Avec l'effondrement du bloc soviétique, le monde bipolaire avait disparu. L'Occident croyait que cette évolution lui donnait des possibilités infinies d'imposer sa vision du monde, ses valeurs et son pouvoir. Les institutions nées pendant la guerre froide, comme l'Union européenne, ou à la suite de la fin de celle-ci, comme la Cour pénale internationale, sont aujourd'hui périmées. Avec son «Brexit» du système faussement appelé «de justice internationale», l'Afrique du Sud montre le chemin, espérons-le, vers un retour au droit international classique, selon lequel les pays sont souverains et doivent être traités avec respect et sur un pied d'égalité.

 

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