Dans ce pays où, pendant des millénaires, seuls les sages eurent le droit de parler, dans ce pays où la tradition orale a eu la rigueur des écrits les plus sacrés, la parole est devenue sacrée. Dans la mesure où l'Afrique noire a été dépourvue d'un système «écriture pratique, elle a entretenu le culte de la parole, du « verbe fécondant ».
issata avait dit à son fils : a Apprends à couvrir la nudité matérielle des hommes avant de couvrir par ta parole leur nudité morale. » Les tisserands traditionnels, initiés au symbolisme de leur métier à tisser où chaque pièce a une signification particulière et dont l'ensemble symbolise la a création primordiale », savent tous qu'en faisant naître sous leurs doigts la bande de tissu qui se déroule comme le temps même, ils ne font rien d'autre que reproduire le mystère de la Parole créatrice.
L'importance du verbe, le souci de sa valeur, bonne ou mauvaise nouvelle langue d'Esope revêt, chez Tierno Bokar, une importance essentielle
La parole est un fruit dont l'écorce s'appelle a bavardage », la chair « éloquence » et le noyau a bon sens ».
Dès l'instant où un être est doué du verbe, quelque soit son degré d'évolution il compte dans la classe des grands privilégiés, car le verbe est le don le plus merveilleux que Dieu ait fait à sa créature.
Le verbe est un attribut divin, aussi éternel que Dieu lui-même. C'est par la puissance du verbe que tout a été créé. En donnant à l'homme le verbe, Dieu lui a délégué une part de sa puissance créatrice. C'est par la puissance du verbe que l'homme, lui aussi, crée. Il crée non seulement pour assurer les relations indispensables à son existence matérielle, mais aussi pour assurer le viatique qui ouvre pour lui les portes de la béatitude.
Une chose devient ce que le verbe lui dit d'être. Dieu dit : a Sois ! » et la créature répond : « Je suis! »
VIE ET ENSEIGNEMENT DE TIERNO BOKARLE SAGE DE BANDIAGARA, © SEUIL, 1980.
Les enfants d'un même père, pour être différents physiquement, en sont-ils moins frères et fils légitimes de leur géniteur? Nous fondant sur cette vérité-loi, plaignons ceux qui refusent aux croyants des différentes confessions une identité spirituelle et la fraternité en un même Dieu, Créateur unique et invariable [...] Donc, frère en Dieu qui viens au seuil de notre zaouïa, cellule d'amour et de charité, ne bouscule pas l'adepte de Moïse [...] Non plus, ne bouscule pas l'adepte de Jésus [...] Et les autres humains ? Laisse-les entrer et, même, salue-les fraternellement pour honorer en eux ce qu'ils ont hérité d'Adam, de qui Dieu a dit, s'adressant aux Anges : - Quand je l'aurai perfectionné et aurai insufflé en lui de mon Esprit, prosternez-vous devant lui en signe de vénération» (Coran) (XXVIII, 72).
Ce verset implique que chaque descendant d'Adam est dépositaire d'une parcelle de l'Esprit de Dieu. Comment donc oserions-nous mépriser un réceptacle qui contient une parcelle de l'Esprit de Dieu?
VIE ET ENSEIGNEMENT DE TIERNO BOKARLE SAGE DE BANDIAGARA
Amadou Hampâté Bâ
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