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Lorsque Kounta ressortit pour la première fois de sa case, de nouveau entravé, les Noirs s'écartèrent de lui en roulant des yeux inquiets, comme s'il était un animal sauvage. Il n'y eut, pour le regarder en face, que la cuisinière et le vieillard qui sonnait de la corne.

Samson demeurait invisible. Où pouvait-il bienêtre passé, Kounta n'en avait pas la moindre idée, mais c'était tant mieux. Et puis, quelques jours plus tard, il revit l'abominable Noir le dos zébré de marques de fouet toutes fraîches. Tant mieux encore. Mais Kounta n'eut pas à attendre longtemps pour refaire à son tour connaissance avec la lanière du régisseur ».Il savait très bien qu'on le tenait à l'œil. Alors, toujours muet, il obéissait promptement aux ordres, il travaillait correctement. Dans les champs, il dissimulait sa profonde mélancolie ; mais, à la fin de la journée, il regagnait avec elle sa misérable petite case. Dans sa solitude, lise mit à conduire des conversations imaginaires ; le plus souvent avec les siens. Cela se passait généralement dans sa tête, mais il lui arrivait de parler tout haut.

Fa, disait-il, ces Noirs ne sont pas comme nous. Leurs os, leur sang, leur force, leurs mains, leurs pieds ne leur appartiennent pas. Ils ne vivent et ne respirent que pour les toubabs, et non pour eux-mêmes. Ils ne possèdent rien, leurs propres enfants ne sont pas à eux. Ils sont nourris et élevés afin de servir encore d'autres toubabs, et non d'aider leurs parents. Mère, disait-il encore, ces femmes s'enroulent la tête d'une étoffe, mais elles ne savent pas la nouer ; elles cuisinent peu de plats où n'entrent la chair ou la graisse de l'immonde pourceau ; et beaucoup d'entre elles ont été dans la couche des toubabs, car leurs enfants ont la maudite couleur des mulâtres.

Et il discutait avec ses frères, Lamine, Souwadou et Madi, essayant de bien leur expliquer que, dans toute leur sagesse, les anciens ne parviendraient pas à leur inculquer que le plus féroce animal de la forêt est encore moitié moins dangereux que le toubab.

Et ainsi passaient les lunes. Bientôt les aiguillons de glace fondirent. Et il ne fallut pas longtemps avant de voir de l'herbe pointer ses pousses vertes dans le brun-rouge de la terre, les arbres se couvrir de bourgeons, d'entendre de nouveau le ramage des oiseaux.

Il attendait son moment tout en vaquant à ses tâches. Il avait l'impression que les Noirs le tenaient eux aussi à l'œil, même en l'absence du « régisseur » ou d'un quelconque toubab. Il fallait justement endormir la méfiance des toubabs. Kounta devait pouvoir y arriver, puisque ceux-ci regardaient les Noirs comme des choses et non comme des êtres. Les toubabs ne réagissaient que lorsque ces choses se manifestaient. Il choisit donc l'effacement — ne pas se faire remarquer, tout était là.

À bord du Baddibou, qui remontait le large et rapide Kamby Bolongo », je me sentais mal à l'aise, étranger. Est-ce que ces gens me prenaient pour un touriste en mal d'aventures ? Nous arrivâmes en vue de l'île James, où s'élevait jadis un fort qui fut, pendant deux siècles, l'enjeu d'affrontements armés entre l'Angleterre et la France, en raison de sa situation idéale pour le commerce des esclaves. Je demandai à débarquer un moment et me frayai un chemin parmi les ruines sur lesquelles veillent toujours de fantomatiques canons. Je tremblais de répulsion en songeant aux atrocités qui y avaient été perpétrées. À défaut de trouver un restant de chaîne, j'emportai une brique et un fragment de mortier. Avant de remonter à bord du Baddibou, je contemplai longuement le cours de ce fleuve dont mon ancêtre avait enseigné le nom à sa fille, là-bas, de l'autre côté de l'océan Atlantique, dans le comté de Spotsylvanie, en Virginie. Puis notre bateau reprit sa route jusqu'au village d'Albreda, où nous débarquâmes. De là, nous devions gagner à pied un village encore plus petit : Djouffouré.

Tout homme a, dans sa vie, un « grand moment », quelque chose qui surpasse, en intensité, tout ce qu'il a connu et connaîtra jamais. Mon grand moment », je l'ai connu ce jour-là.

 

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