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«Honte à tous ceux qui, oubliant leur devoir envers la patrie, en appellent à l’étranger»

(«Proclamation au peuple et à l’armée», in Gaillard, Roger. La République exterminatrice. Quatrième partie: la guerre civile: une option dramatique.)

Le New York Times du 20 septembre 1911 avait annoncé, via un correspondant sur l’île Saint thomas, la mort d’Anténor Firmin survenue le 19, soit un jour avant. Loin de sa terre natale, celle qu’il aimait si profondément.

Né le 18 octobre 1850, cela fait déjà 160 ans, Firmin fut l’homme noir le plus éclairé de son époque. Sur le plan international, il est reconnu surtout comme celui qui a démenti la thèse raciste de Renan Arthur Gobineau qui proclamait « l’inégalité des races humaines » par son audacieux livre « l’égalité des races humaines ». Pour nous haïtiens, Antenor Firmin représente la pensée haïtienne la plus moderne et sensible aux masses de l’après indépendance, il l’a dit ainsi dans son livre: «En dédiant ce livre à Haïti, je les supporte tous à l’esprit, à la fois les opprimés d’aujourd’hui et les géants de demain ». Certains historiens pensent que le destin d’Haïti aurait pu être tout autrement si et seulement si Firmin avait accédé à la présidence. En réfl échissant sur les déboires qu’a connus le « Maestro », pour citer Price Mars, spécifi quement la rivalité l’opposant à Nord Alexis et l’exil forcé, il était clair que le 20e siècle allait être celui qu’il est. C’està- dire la déchéance programmée de la nation et l’impasse du symbole libérateur d’Haïti. L’intelligentsia a poignardé le rendez-vous historique en complotant l’échec de Firmin à la présidence. L’ingérence de l’Allemagne et des États-Unis contre lui inaugurait la politique qui allait conduire l’intelligentsia haïtienne à la déroute.

Anténor Firmin fut un autre genre d’intellectuels qui joignit « la pensée a l’action». Il prit cause pour Haïti et pour l’humanité entière, cristallisée dans sa défense académique et psychologique de l’idéal « tout homme est un homme ». Donc, Firmin a été a la fois un intellectuel « de l’universel », pour répéter Pierre Bourdieu, et un « intellectuel spécifi que », c’est-à-dire traitant les affres de l’homme tout en militant à trouver des solutions aux problèmes que confronte son peuple. L’autre parlerait d’un « intellectuel total » qui a su harmoniser le temps à l’espace.

A l’occasion de la commémoration des 160 ans de naissance de l’écrivain, Lesly Manigat et Michel Soukar, deux historiens, ont publié deux livres sur l’homme qui permettront aux jeunes d’aujourd’hui de l’apprécier d’avantage à un moment historique où l’on regretteencore son absence pour culbuter dehors les nouveaux « amiral Gherardi » présents dans nos rues. Malheureusement on n’a plus de productions de ce genre, notamment sur Jean-Jacques Dessalines, Jacques Alexis, Sylvain Salnave, Hammerton Killick et d’autres grands haïtiens qui s’étaient battus avec passion pour éviter l’hécatombe de l’occupation que nous vivons aujourd’hui. J’aimerais voir rééditer les oeuvres de Fréderic Marcelin, Justin Lhérisson, Fernand Hibbert, Antoine Innocent…Georges Sylvain, Damoclès Vieux, Edmond Laforest, Etzer Vilaire…romans et poésies de la génération de la ronde, tels que: «Thémistocle Epaminondas Labaster», «La vengeance de Mama», «Eliezer Pitit Caille»…Générations qui se révoltèrent contre l’ordre social et politique dans lequel les élites tenaient le pays.

Drôle de coïncidence, le fondateur de la nation haïtienne, Jean-Jacques Dessalines est assassiné le 17 octobre, Anténor Firmin lui-même, est né le 18 octobre. Le fondateur s’en va, le défenseur naît. Drôle de coïncidence, mais cela permet de faire d’une pierre deux coups. Qui plus est, il y a cette mystique qui relie Firmin à Dessalines, comme s’ils étaient de la même génération. Le dessalinien est toujours fi rministe. Cette symbiose Dessalines\Firmin est nécessaire pour libérer le pays et organiser la société de manière normative. L’un symbolise la grandeur, l’autre incarne l’intelligence et la science, deux facteurs indispensables à l’existence d’un grand peuple, vivant dans une grande nation. Toujours ouvert, il avait prédit juste sur la nation et ses sujets.

En 1885, Firmin avait prédit l’avènement d’un noir à la présidence des Etats-Unis, plus d’un siècle avant. En grand visionnaire, il avait écrit ce qui suit au sujet des Etats- Unis, et je cite : « Contrairement aux apparences, ce grand pays est destiné à frapper le premier coup contre la théorie de l’inégalité des races humaines. En effet, en ce moment même, les Noirs dans la grande république fédérale ont commencé à jouer un rôle de premier plan dans la politique des différents états de l’union américaine. Il semble tout à fait possible que, dans moins d’un siècle à partir de maintenant, un homme noir puisse être appelé à la tête du gouvernement de Washington pour gérer les affaires du pays le plus progressiste de la terre, un pays qui deviendra inévitablement, grâce à son agriculture et à sa production industrielle, le plus riche et le plus puissant dans le monde. Ce ne sont pas des rêveries utopiques. Nous n’avons qu’à considérer la participation croissante des Noirs dans la société américaine pour écarter notre scepticisme. En outre, nous devons nous rappeler que l’esclavage aux États-Unis a été aboli il y a vingt ans». Ces idées datant de plus d’un siècle, Obama est devenu président de ce pays même autour duquel il avait fait le pronostique.

Anténor Firmin, trahi par beaucoup d’intellectuels de sa génération, a rendu l’âme sur un ilot qui ne fut pas le sien. On ne lui avait pas permis de mourir dans son propre pays, pour lequel il a tant combattu, quel sacrilège ! Sténio Vincent et Callisthène Fouchard, deux intellectuels haïtiens, rallièrent le camp du vieux général, afi n d’empêcher un des leurs de gravir la première magistrature de l’état. On le voit encore aujourd’hui, des intellectuels transformés en valets de l’international pour subjuguer les esprits nationaux dans des initiatives vaines, relayant la soumission. Firmin est bel et bien mort il y a 89 ans, mais sa conviction et sa foi dans un pays pour tous demeureront pour toujours. Que les fortunés du savoir cessent de se battre pour une bouchée de pain, qu’ils se lancent dans le combat pour la reconquête de la dignité nationale !

joel leon

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