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La « stratégie de guerre » d’Ocampo déboutée. Deux mois pour démonter les preuves fabriquées. Le sens d’une victoire précieuse

Après avoir obtenu que ses dépenses judiciaires soient prises en charge par la juridiction pénale internationale, que l’on considère que la «situation ivoirienne» a commencé en 2002 et non en 2010, la Défense du fondateur du FPI met en pièces la stratégie de la guerre-éclair du bureau du procureur. Explications des enjeux qui se cachent derrière cette subtile partie d’escrime.

Une belle victoire qu’il convient de saluer. En réussissant à emporter l’adhésion des juges de la Cour pénale internationale (CPI) au sujet du report de l’audience de confirmation des charges – qui n’aura plus lieu le 18 juin, mais le 13 août –, l’équipe de Défense a indubitablement marqué de précieux points. Très prosaïquement, une bataille s’était engagée entre la «team» dirigée par Emmanuel Altit et celle coachée par Louis Moreno-Ocampo, qui laisse progressivement la place à Fatou Bensouda.

Les avocats de Gbagbo demandaient le report, martelant que si la date du 18 juin était maintenue, Gbagbo «serait victime d`une violation de son droit à un procès équitable» et le bureau du procureur s’y opposait vigoureusement. Les juges ont donné raison à la Défense. Il ne faut pas avoir fait un doctorat en droit pour se rendre compte de ce que cela signifie pour chacune des deux parties. Plus profondément, il faut revenir aux «stratégies de guerre» d’Ocampo et d’Altit pour se rendre compte de ce qui se joue.

 

Ocampo et la technique de l'inondation

 

luis-moreno-ocampoMagistrat plus «politique» qu’autre chose, homme de réseaux qui ne tient pas particulièrement à laisser un souvenir impérissable de son passage à la CPI, Louis Moreno- Ocampo s’est toujours mis sans états d’âme au service des pouvoirs occidentaux et de leurs alliés dans les pays du Sud. Sur le dossier ivoirien, il a très vite intégré la logique du tribunal des vainqueurs désignés par l’Occident. Sans scrupules, il parade aux côtés de Ouattara ou adresse un message de félicitations à Soro lors de son élection contestable à la tête de l’Assemblée nationale.

Face à la difficulté de sa tâche – prouver que la «politique» et le «plan» d’une «Organisation» pilotée par Laurent Gbagbo lui-même était responsable de centaines de morts civils, tout en recouvrant Alassane Ouattara et ses FRCI du manteau de l’impunité –, Ocampo a choisi la «technique de l’inondation». Il s’est servi d’un certain nombre de choses : la disproportion des moyens, qui lui permettait de «courir plus vite» que ses contradicteurs ; le chorus des accusations, déclarations et condamnations produites pendant la guerre postélectorale par les nombreuses ONG et officines d’influence pro-occidentales souvent financées par les mêmes fondations; et les centaines de témoignages de victimes réelles ou supposées, complaisamment fournis par le camp Ouattara, qui contrôle le territoire ivoirien et sait comment s’y prendre pour rendre difficiles les investigations et actions de la Défense. Ocampo misait surtout sur l’impossibilité pratique, pour les avocats de la Défense, d’éplucher, d’évaluer et de contester en un mois l’infinité des pièces et témoignages qu’il avait choisi de verser au dossier le plus tard possible, c’est-à-dire le 16 mai.

 

Altit et la stratégie des "petites victoires" et du discrédit progressif

 

Frêle David faisant face à un Goliath à la fois politique, judiciaire et médiatique, Emmanuel Altit a choisi, en concertation avec un Laurent Gbagbo dont lui-même dit qu’il pilote directement son dossier, la stratégie des «petites victoires» et du «discrédit progressif». Le fait de convaincre la Cour que la situation en Côte d’Ivoire ne peut être sérieusement envisagée que comme un long continuum qui part du 19 septembre 2002 – donc du début de la rébellion – est une «petite victoire» qui remet les choses en perspective et entraîne un phénomène psychologique : la peur change de camp et Soro comme ses «Comzones», qui savent leurs dossiers chargés, se méfient de plus en plus d’un Ouattara qui est le seul à qui l’Occident garantit l’impunité.

Quand Altit oblige la CPI à considérer Laurent Gbagbo comme «indigent » et à prendre en charge les frais de la Défense, il enregistre une nouvelle «petite victoire» qui a aussi pour avantage de faire tomber les montagnes de propagande médiatique sur les prétendus milliards de Gbagbo planqués dans les banques occidentales.

 Hier encore, il a mis les juges de son côté, et ce n’est pas rien. Il a obtenu des moyens supplémentaires, et ce ne sera pas de trop dans les semaines qui viennent. En obtenant près de deux mois supplémentaires pour passer au peigne fin la «littérature » fournie aux juges par l’Accusation, la Défense de Gbagbo se donne les moyens de débusquer les faux grossiers, les montages et fabrications, les témoignages  ontradictoires et les vidéos trafiquées qui pourraient bien se nicher dans les montagnes de «preuves» d’Ocampo. La principale arme du bureau du procureur, c’est-à-dire la guerre éclair, est bel et bien endommagée.

 Maitre-Emmanuel-AltitAltit et son équipe jouent fondamentalement sur les failles techniques et le manque de crédibilité juridique du bureau du procureur, susceptibles d’agacer certains juges et de permettre à la Défense de prendre l’ascendant symbolique sur l’Accusation. La qualité professionnelle des documents publics des deux camps est d’ores et déjà frappante. Il n’y a pas photo ! De plus, l’incapacité de l’Accusation à faire même semblant de se tenir à équidistance des «parties ivoiriennes», les propos à l’emporte- pièce d’Ocampo à Abidjan, l’absence de toute inculpation dans un camp Ouattara pourtant responsable d’opérations massives et indubitables d’épuration ethnique, travaillent d’une certaine manière à convaincre et l’opinion et les juges de la solidité de la thèse de la «collusion» entre le bureau du procureur de la CPI et le régime autoritaire d’Abidjan.

 Il semble évident que la Défense essaiera d’imposer au régime Ouattara le même type de collaboration qu’il a avec l’Accusation, au nom du principe de «l’égalité des armes». Il pourrait s’agir notamment du droit d’enquêter et de recevoir des informations des actuelles autorités sans pressions ni menaces.

 

La requête en incompétence et la demande de liberté provisoire sont-elles oubliées?

 

De nombreux observateurs sont désorientés par le timing de la Défense, qui a laissé du temps s’écouler avant de se livrer à une contre-offensive que l’on peut considérer comme désordonnée. Pourquoi avoir fait le jeu de la CPI et plaider aujourd’hui son incompétence ? Pourquoi faire une demande de liberté provisoire si tard ? Et pourquoi demander le report de l’audience de confirmation des charges quand on mise plutôt sur un abandon total des charges ?

 En réalité, il est tout à fait possible d’imaginer que la Défense a changé de stratégie, en prenant notamment acte de l’alternance en France et des possibilités qu’elle pouvait offrir. Il est possible qu’elle soit passée d’une ambition maximale – détruire toutes les charges et rendre impossible un procès sur le fond – à une ambition «raisonnable» – faire le dos rond lors de l’audience de confirmation des charges, en sachant qu’il s’agit d’un procès politique, que les dés sont jetés et qu’il n’est pas question de gaspiller des munitions précieuses – puis à une stratégie à nouveau conquérante. Mais il est également important d’avoir à l’esprit que l’avocat ne pouvant pas préjuger de la décision d’un juge, il ne perd rien à lancer le maximum de requêtes possibles, question de ne laisser tomber aucune opportunité pour bâtir une stratégie victorieuse.

 Par ailleurs, en gagnant près de deux mois pour le début de l’audience de confirmation des charges, la Défense pourrait bien tenter de faire sortir les juges du bois en leur donnant le temps nécessaire pour répondre à la requête en incompétence et à la demande de mise en liberté provisoire. C’est une partie de billard à plusieurs bandes qui se joue entre La Haye et Scheveningen!

 

Théophile Kouamouo

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